Catherine Deneuve : «Rien dans le texte ne prétend que le
harcèlement a du bon, sans quoi je ne l’aurais pas signé»
Par Catherine
Deneuve — 14 janvier 2018 à 20:36 (mis à jour le 15 janvier 2018 à 07:25)
Le 16 septembre
2013 à Paris.
Une semaine après
avoir signé la tribune qui prône la «liberté d’importuner» pour préserver la
«liberté sexuelle», l’actrice assume, tout en prenant ses distances avec
certaines signataires. Et s’excuse auprès des victimes d’agression qui auraient
pu être choquées.
Catherine Deneuve : «Rien dans le texte ne
prétend que le harcèlement a du bon»
Catherine Deneuve
nous a transmis ce texte sous forme de lettre, à la suite d’un entretien par
téléphone, vendredi. Nous l’avions sollicitée car nous voulions entendre sa
voix, savoir si elle était en accord avec l’intégralité de la tribune signée,
et savoir comment elle réagissait à la prise de paroles des unes et des
autres ; bref, qu’elle clarifie sa position.
«J’ai
effectivement signé la pétition titrée dans le journal le Monde, "Nous
défendons une liberté…", pétition qui a engendré de nombreuses réactions,
nécessitant des précisions.
«Oui, j’aime la
liberté. Je n’aime pas cette caractéristique de notre époque où chacun se sent
le droit de juger, d’arbitrer, de condamner. Une époque où de simples
dénonciations sur réseaux sociaux engendrent punition, démission, et parfois et
souvent lynchage médiatique. Un acteur peut être effacé numériquement d’un
film, le directeur d’une grande institution new-yorkaise peut être amené à
démissionner pour des mains aux fesses mises il y a trente ans sans autre forme
de procès. Je n’excuse rien. Je ne tranche pas sur la culpabilité de ces hommes
car je ne suis pas qualifiée pour. Et peu le sont.
Non, je n’aime
pas ces effets de meute, trop communs aujourd’hui. D’où mes réserves, dès le
mois d’octobre sur ce hashtag "Balance ton porc".
«Il y a, je ne
suis pas candide, bien plus d’hommes qui sont sujets à ces comportements que de
femmes. Mais en quoi ce hashtag n’est-il pas une invitation à la délation ? Qui
peut m’assurer qu’il n’y aura pas de manipulation ou de coup bas ? Qu’il n’y
aura pas de suicides d’innocents ? Nous devons vivre ensemble, sans
"porcs", ni "salopes", et j’ai, je le confesse, trouvé ce
texte "Nous défendons une liberté…" vigoureux, à défaut de le trouver
parfaitement juste.
«Oui, j’ai signé
cette pétition, et cependant, il me paraît absolument nécessaire aujourd’hui de
souligner mon désaccord avec la manière dont certaines pétitionnaires
s’octroient individuellement le droit de se répandre dans les médias,
dénaturant l’esprit même de ce texte. Dire sur une chaîne de télé qu’on peut
jouir lors d’un viol est pire qu’un crachat au visage de toutes celles qui ont
subi ce crime. Non seulement ces paroles laissent entendre à ceux qui ont
l’habitude d’user de la force ou de se servir de la sexualité pour détruire que
ce n’est pas si grave, puisque finalement il arrive que la victime jouisse.
Mais quand on paraphe un manifeste qui engage d’autres personnes, on se tient,
on évite de les embarquer dans sa propre incontinence verbale. C’est indigne.
Et évidemment rien dans le texte ne prétend que le harcèlement a du bon, sans
quoi je ne l’aurais pas signé.
«Je suis actrice
depuis mes 17 ans. Je pourrais évidemment dire qu’il m’est arrivé d’être témoin
de situations plus qu’indélicates, ou que je sais par d’autres comédiennes que
des cinéastes ont abusé lâchement de leur pouvoir. Simplement, ce n’est pas à
moi de parler à la place de mes consœurs. Ce qui crée des situations
traumatisantes et intenables, c’est toujours le pouvoir, la position
hiérarchique, ou une forme d’emprise. Le piège se referme lorsqu’il devient
impossible de dire non sans risquer son emploi, ou de subir humiliations et
sarcasmes dégradants. Je crois donc que la solution viendra de l’éducation de
nos garçons comme de nos filles. Mais aussi éventuellement de protocoles dans
les entreprises, qui induisent que s’il y a harcèlement, des poursuites soient
immédiatement engagées. Je crois en la justice.
«J’ai enfin signé
ce texte pour une raison qui, à mes yeux, est essentielle : le danger des
nettoyages dans les arts. Va-t-on brûler Sade en Pléiade ? Désigner Léonard de Vinci comme un
artiste pédophile et effacer ses toiles ? Décrocher les Gauguin des musées ? Détruire les
dessins d’Egon Schiele ? Interdire les disques de Phil Spector ? Ce climat de
censure me laisse sans voix et inquiète pour l’avenir de nos sociétés.
«On m’a parfois
reproché de ne pas être féministe. Dois-je rappeler que j’étais une des 343
salopes avec Marguerite Duras et Françoise Sagan qui a signé le manifeste
"Je me suis fait avorter" écrit par Simone de Beauvoir ? L’avortement
était passible de poursuite pénale et emprisonnement à l’époque. C’est pourquoi
je voudrais dire aux conservateurs, racistes et traditionalistes de tout poil
qui ont trouvé stratégique de m’apporter leur soutien que je ne suis pas dupe.
Ils n’auront ni ma gratitude ni mon amitié, bien au contraire. Je suis une
femme libre et je le demeurerai. Je salue fraternellement toutes les victimes
d’actes odieux qui ont pu se sentir agressées par cette tribune parue dans le
Monde, c’est à elles et à elles seules que je présente mes excuses.
Sincèrement à vous.
Catherine Deneuve
Catherine
Deneuve apologises to sex attack victims after #MeToo controversy
French
actor says she stands by letter that caused outcry but condemns other
signatories for distorting the spirit of its message
Kim
Willsher in Paris
Mon 15 Jan
2018 00.46 GMT Last modified on Mon 15 Jan 2018 05.29 GMT
Catherine
Deneuve has apologised to female victims of sexual assault who were shocked and
hurt by the controversial letter she signed attacking the #MeToo campaign.
The French
actor said she stood by the statement that caused an international outcry when it
was published last week, but distanced herself from a number of other female
signatories.
Le Monde
newspaper, which ran the original letter, described Deneuve’s response to the
row as “a form of mea culpa”.
About 100
French women, including high-profile writers, artists and academics, put their
names to the attack on a wave of Anglo-American “puritanism” following the
Harvey Weinstein sex abuse scandal. They suggested the #MeToo campaign
(#BalanceTonPorc – Squeal on Your Pig – in France) in which women denounced
their alleged attackers had gone too far. They defended the right of men to
“importune” in the name of “sexual freedom” and claimed men were being
subjected to a witch-hunt.
In her
letter, published in Libération, Deneuve said she had signed the statement
because she opposed the “media lynching” of men accused of inappropriate
behaviour and found its message “vigorous” if not “entirely right”.
“Yes, I
signed that petition, however, it seems absolutely necessary today to underline
my disagreement with the way certain signatories have individually assumed the
right to expand upon it in the media, distorting the spirit of the text,” she
wrote.
She
referred to former radio presenter Brigitte Lahaie, who during a heated debate
on BFMTV said women were able to “orgasm during a rape”. Without mentioning
Lahaie by name, Deneuve said this was “worse than spitting in the face of those
who have suffered this crime”.
“Not only
do these words suggest to those who are used to using force or sexuality to
destroy that it’s not so serious … but when one signs a manifesto that engages
other people, one avoids dragging them into one’s own verbal incontinence. It’s
unworthy. And obviously nothing in the text claims that harassment is good,
otherwise I wouldn’t have signed it,” she wrote.
Reminding
those who questioned her feminist credentials that she was among 343 women,
including feminist writer Simone de Beauvoir, to sign a 1971 declaration
admitting they had an abortion when it was still illegal, Deneueve dismissed
the “conservatives, racists and traditionalists of all kinds who have found it
strategic to give me their support”.
“I am not
fooled,” she wrote. “They will not have my gratitude or my friendship. Quite
the opposite.
“I’m a free woman and I will remain one. I
fraternally salute all women victims of odious acts who might have felt
assaulted by the letter in Le Monde. It is to them, and them alone, that I
apologise.
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