Marine
Le Pen visée par une enquête pour « diffusion d’images violentes
» après avoir tweeté des images de l’EI
Le Monde.fr |
16.12.2015 à 14h45 • Mis à jour le 17.12.2015 à 07h54 | Par
Juliette Harau
Mercredi 16
décembre, Marine Le Pen a publié sur son compte Twitter des
photographies extrêmement violentes, mettant en scène des victimes
de l’organisation Etat islamique (EI).
Elle entendait ainsi
répondre à l’interview du politologue, spécialiste de l’islam,
Gilles Kepel, par Jean-Jacques Bourdin sur RMC, plus tôt dans la
matinée. La présidente du Front national (FN) attribue en
l’occurrence à M. Bourdin un « parallèle entre Daech [acronyme
arabe de l’EI] et le FN » qu’elle juge « inacceptable ». Une
enquête préliminaire pour « diffusion d’images violentes » a
été ouverte par le parquet de Nanterre.
Marine Le Pen tweete
sans filtre des photos de propagande de l'organisation Etat
islamique, mercredi 16 décembre. Nous avons décidé de flouter
l'image. Ici : un homme en tenue de prisonnier, décapité, sa tête
est posé sur son torse. La bannière de l'EI est affichée en haut à
droite.
De quoi Marine Le
Pen accuse-t-elle Jean-Jacques Bourdin ?
Gilles Kepel était
invité par l’animateur pour la sortie de son livre Terreur dans
l’Hexagone qui revient sur la genèse et l’évolution du
djihadisme français. Dans l’ouvrage, « vous faites le lien entre
le djihadisme français et la poussée du Front national », remarque
le journaliste après quelques minutes d’interview. L’auteur
précise d’emblée : « Bien sûr, ce n’est pas la même chose,
mais ce sont deux phénomènes qui participent un peu de la même
congruence, ils se ressemblent. »
Les précautions
sont prises, reste à préciser la pensée. Une minute plus tard,
Jean-Jacques Bourdin invite Gilles Kepel à revenir sur « les liens
entre Daech et le Front national, enfin, pas les liens directs, mais
ce repli identitaire qui, finalement, est une communauté d’esprit
». Le chercheur déploie succinctement son analyse, expliquant que
le mouvement djihadiste s’appuie sur un clivage communautaire. L’EI
veut « casser la société française en deux », dit-il encore :
« [L’EI veut]
faire d’un côté une enclave où il n’y aurait que des musulmans
qui s’identifieraient aux plus radicaux et de l’autre côté des
identitaires qui rejettent l’immigration, l’islam, etc. Le
terreau de ça, c’est une société qui n’est plus inclusive. »
Les précautions de
l’intervieweur et de son interlocuteur ne satisfont pas Marine Le
Pen, qui attribue à Jean-Jacques Bourdin un « dérapage
inacceptable ». Gilles Kepel, lui, n’est pas interpellé.
Marine Le Pen tweete
sans filtre des photos de propagande de l'organisation Etat
islamique, mercredi 16 décembre 2015. Nous avons décidé de flouter
l'image. Ici : un homme en tenu de prisonnier, ligoté, est sur le
point de se faire rouler dessus par un char.
La polémique aurait
pu se concentrer sur le fond : réfléchir à la montée du FN et à
celle du djihadisme comme deux phénomènes d’exclusion qui se «
ressemblent » est-il insultant ? Mais la réaction de la députée
européenne a été plus cinglante.
A ces propos qu’elle
juge « immondes », Marine Le Pen a répliqué en relayant, sur son
compte Twitter, qui compte plus de 829 000 abonnés, des photos de
l’EI mettant en scène des exécutions.
La présidente du
FN, interrogée par Le Monde, assume de ne pas avoir flouté ces
images sordides, qui sont pourtant ainsi accessibles à tout public :
« Parce que lorsque
des journalistes ou des politiques sont assez indignes pour faire un
parallèle entre Daech et le FN, ils ont besoin de se rendre compte
de la gravité de leurs propos eu égard à l’atrocité des crimes
de Daech. »
« Je comptais vous
poser la même question pour le petit Aylan », ironise même Marine
Le Pen, évoquant, et mettant sur le même plan, la photo du jeune
enfant mort noyé sur une plage turque.
Lire : Pourquoi nous
avons publié la photo du petit Aylan
Dans un second
temps, un message indiquant « Les médias suivants peuvent contenir
des éléments sensibles » a toutefois été ajouté sur les tweets
de Marine Le Pen : il est visible depuis les comptes étant
configurés pour filtrer les images choquantes.
La députée
européenne ne veut pourtant pas croire que ses tweets puissent
constituer une forme de publicité pour l’organisation terroriste.
« C’est vous [les médias] qui contribuez à leur banalisation en
les comparant au FN et à ses 7 millions d’électeurs. »
La présidente du FN
est soutenue dans sa surenchère par certains membres de son
mouvement. Notamment Gilbert Collard, député du Gard, ou encore
Eric Domard, membre du bureau politique du FN et conseiller de Marine
Le Pen. Ce dernier a publié une photo explicite des victimes de la
tuerie du Bataclan le 13 novembre : les corps gisent sur le sol, dans
une mare de sang.
Ouverture d’une
enquête pour « diffusion d’images violentes » et condamnations
politiques
Le ministre de
l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a annoncé mercredi après-midi
devant les députés avoir saisi la plate-forme Pharos de la
direction centrale de la police judiciaire – le site unique qui
gère les signalements effectués par des internautes lorsqu’ils
souhaitent dénoncer des contenus illégaux. Et ce « de manière à
réserver toutes les suites qui doivent l’être ».
Pour lui, ces photos
sont « de la propagande de Daech », « une abjection, une
abomination et une insulte pour toutes les victimes du terrorisme et
pour toutes celles et tous ceux qui sont tombés sous le feu et la
barbarie de Daech ». A la suite de ce signalement, le parquet de
Nanterre a depuis ouvert une enquête préliminaire pour « diffusion
d’images violentes ».
La famille d’un
otage américain tué « choquée »
La famille du
journaliste américain James Foley, assassiné par l’Etat islamique
et dont le cliché de la dépouille figure parmis ceux diffusés par
la chef de file du parti d’extrême-droite, a condamné ces tweets
:
« Nous sommes
profondément choqués par l’utilisation qu’est faite de Jim
[surnom donné à M. Foley par ses parents] pour le bénéfice
politique de Mme Le Pen et nous espérons que la photo de notre fils,
ainsi que deux autres images explicites, seront retirées
immédiatement. »
Juliette Harau
Journaliste au Monde
James
Foley's parents 'disturbed' by Marine Le Pen tweeting Isis beheading
photo
Far-right
leader posted image of beheaded US journalist after her Front
National party was accused of sharing a ‘community of spirit’
with Isis
Associated Press and
AFP
Thursday 17 December
2015 01.19 GMT
The parents of James
Foley, the journalist beheaded by Islamic State in 2014, have reacted
with dismay after France’s far-right leader Marine Le Pen tweeted
an image of his decapitated body.
Le Pen posted three
gruesome images of Isis killings on the social media site on
Wednesday in response to an accusation by a journalist that her Front
National party bore similarities with the extremist group.
“Daesh is THIS!”
Le Pen said in angry tweets showing the killings, using the Arabic
acronym for the group. But her effort to make a distinction between
her anti-immigration party and Isis appears to have backfired.
The prosecutor’s
office in the western Paris suburb of Nanterre said had launched an
investigation into “the dissemination of violent images” over the
tweets.
Foley’s parents
said they were “deeply disturbed”.
John and Diane Foley
said in a statement: “Our family was informed this morning that
Marine Le Pen, a French politician, tweeted a shamefully uncensored
picture of our son.”
“We are deeply
disturbed by the unsolicited use of Jim for Le Pen’s political gain
and hope that the picture of our son, along with the two other
graphic photographs, are taken down immediately,” they said.
Foley, a freelance
journalist, was captured in Syria in 2012 and beheaded in August
2014.
Mainstream media
largely refrained from showing any potentially disturbing or gruesome
photos from the incident.
Le Pen tweeted the
photos after Jean-Jacques Bourdin, known for his brash style, said on
BFM TV that her party Front National (FN) and Isis both focus on
identity, so share a “community of spirit.”
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The incident comes
three days after Le Pen’s FN suffered a stinging defeat in critical
regional elections on Sunday, failing to take any regions, a personal
humiliation for Le Pen who ran in the north. However, she came out
victorious in a legal battle on Tuesday when a Lyon court acquitted
her of inciting hatred for denouncing prayers in the streets by
Muslims.
Interior minister
Bernard Cazeneuve, asked about the tweets in parliament, told MPs he
has taken the case to a section of the judicial police that deals
with illicit content on the internet so it can look into the matter
“as it does each time these photos are diffused”.
“They are
propaganda photos of Daesh,” Cazeneuve said. He called them
“abject, an abomination and a veritable insult to all victims of
terrorism.”
Bourdin occasionally
stirs national controversy on his morning show on RMC radio and BFM
TV.
On Wednesday,
discussing extremism with a noted Middle East expert, he referred to
“links ... not direct links between the National Front and Daesh,
but this isolation in identity that in the end is a community of
spirit.”
In response, Le Pen
wrote the tweets.
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