Analyse : Manuel Valls, le pari
risqué de François Hollande
Le Monde.fr |
31.03.2014 / http://www.lemonde.fr/politique/article/2014/03/31/analyse-manuel-valls-le-pari-risque-de-francois-hollande_4393184_823448.html
Par Françoise
Fressoz
C'est à Manuel
Valls, le marginal du Parti socialiste, l'homme qui n'avait obtenu que 5,6 %
des suffrages à la primaire socialiste d'octobre 2011, que François Hollande a
décidé de confier les clés de Matignon au moment où son quinquennat menace de
virer à la tragédie.
Ce coup de poker
peut paraître improbable : la gauche rue dans les brancards après la défaite
aux municipales, et Jean- Marc Ayrault, le premier ministre sortant, avait pris
soin d'obtenir des appuis auprès des partenaires sociaux et de verrouiller une
majorité PS-écologiste pour tenter de se maintenir à Matignon.
Manuel Valls est
fait d'une autre pâte : cet ancien rocardien incarne la gauche libérale sur le
plan économique, et la gauche républicaine, voire sécuritaire, sur le plan des
mœurs. On n'est plus
exactement dans la social-démocratie que revendiquait le couple
Hollande-Ayrault. L'équilibre
s'est déporté vers la droite, sans doute parce que le pays a nettement voté à
droite aux municipales.
VALLS CONNAÎT
BIEN MATIGNON
Quels sont donc
les atouts du ministre de l'intérieur, plus jeune de treize ans que Jean Marc
Ayrault ? Outre sa jeunesse (51 ans), il faut lui reconnaître une autorité
certaine, qu'il a démontrée dans toutes les fonctions qu'il a exercées,
notamment à Matignon lorsqu'il était responsable de la communication du premier
ministre Lionel Jospin, à la fin des années 1990.
Manuel Valls connaît bien
Matignon. Or ce dont a le plus besoin le chef de l'Etat, c'est que la machine
gouvernementale tourne et que l'autorité du premier ministre ne soit pas
affaiblie par des prises de position intempestives. C'est cela qui a coûté son poste à Jean-Marc
Ayrault : trop de ministres manifestaient à son égard une désinvolture qui
portait atteinte au crédit de toute l'équipe.
L'ancien maire
d'Evry a un autre avantage : il n'a aucun problème de conscience à l'égard du
pacte de responsabilité que François Hollande veut « réussir ». L'ancien maire
d'Evry adhère depuis longtemps à la politique de l'offre, parce qu'il ne voit
pas comment la France pourra renouer avec la croissance sans rétablir la
compétitivité des entreprises. En
janvier 2011, il n'avait pas hésité à plaider pour « un déverrouillage » des
trente-cinq heures.
UNE IMAGE PAS SI
DROITIÈRE
Cela n'en fait pas pour
autant un euroenthousiaste béat. En 2005, il n'avait pas du tout été emballé
par le référendum sur le traité constitutionnel européen, voulu par Jacques
Chirac. Il faut donc se garder d'enfermer l'ambitieux catalan dans une case,
d'autant que son arrivée à Matignon pourrait contribuer à gauchir son image.
Le président de
la République le veut pour tenir compte du message des urnes, et lui en a
besoin. Ces derniers mois, Manuel Valls est surtout apparu comme un « superflic
» régulièrement en bisbille avec la garde des sceaux, Christiane Taubira, et la
partie la plus à gauche de la majorité.
Il a œuvré pour
sortir de cette case en nouant une alliance avec deux eurosceptiques et deux
incarnations de l'aile gauche du PS, Arnaud Montebourg et Benoît Hamon. Ses
relations avec les écologistes restent cependant fraîches, au point que Cécile
Duflot a fait savoir la semaine dernière qu'elle ne ferait pas partie de
l'équipe gouvernementale si Manuel Valls devenait premier ministre. Mais elle
ne représente pas à elle seule tous les écologistes.
QUELLE RELATION
AVEC HOLLANDE ?
Le plus
intéressant à observer va être la relation entre le président de la République
et le premier ministre. Certes,
on n'est pas dans la configuration problématique du couple Chirac-Sarkozy. Manuel Valls a beau voir loin, il n'est pas en
concurrence avec le chef de l'Etat.
Leurs relations, qui se
sont approfondies pendant la campagne présidentielle, sont bonnes, mais le
quinquennat ne contribue pas à simplifier le fonctionnement du couple
Elysée-Matignon. Qui doit agir ? qui doit parler ? qui doit s'exposer ? Nicolas
Sarkozy et François Fillon n'ont jamais réussi à trouver le bon mode d'emploi,
tandis que le couple Hollande-Ayrault, malgré de bonnes relations personnelles,
a fonctionné cahin-caha.
Au plus bas dans
les sondages, François Hollande ne s'est certainement pas simplifié la tâche en
nommant Manuel Valls à Matignon. Le chouchou des sondages a la particularité de
vouloir incarner ce que les Français attendent du président de la République :
un discours républicain capable de retisser le lien social et national qui se
distend dangereusement dans le pays. Gare à la compétition !
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