Notre-Dame : des politiques appellent Macron à ne pas
"défigurer" la cathédrale
Par LEXPRESS.fr avec AFP ,
publié le 18/04/2019 à 15:49
Le chef de l'État souhaite que la reconstruction de la
cathédrale s'accompagne d'un "geste architectural contemporain".
L'opposition s'inquiète.
La reconstruction de Notre-Dame de Paris n'a pas encore
commencé, mais elle fissure déjà l'union nationale des responsables politiques.
En cause : la volonté d'Emmanuel Macron de rebâtir l'édifice dans les cinq ans
et qu'"un geste architectural contemporain puisse être envisagé".
L'emploi du terme "contemporain" suscite la colère
d'une partie de l'opposition, qui craint que la cathédrale soit défigurée. À
gauche, Raphaël Glucksmann, tête de liste PS-Place publique pour les
européennes, a estimé sur Public Sénat que "ce n'est pas le président de
la République qui va décider du temps que prend un chantier", appelant à
reconstruire sans "détruire l'âme de Notre-Dame".
La présidente du Rassemblement national Marine Le Pen a
relayé le hashtag "#TOUCHEPASANOTREDAME", face aux pistes évoquées
par le Premier ministre Édouard Philippe pour une éventuelle reconstruction de
la flèche effondrée.
"Manie de la disruption"
"Ils vont nous faire des rooftops [toits-terrasses]
au-dessus de Notre-Dame ?!", a lancé sur LCI Jordan Bardella, tête de
liste du RN pour les élections européennes. "Il faut arrêter un peu le
délire : on doit le respect absolu au patrimoine des Français." Souhaitant
que la cathédrale soit reconstruite "à l'identique", il a rejeté
toute idée de faire "une espèce de truc d'art contemporain, d'art
moderne".
Pour François-Xavier Bellamy, tête de liste du parti Les
Républicains pour les européennes, "nos gouvernants devraient retrouver un
peu d'humilité". "Cette restauration est la mission des architectes
formés pour cela, des artisans et des compagnons (...) Un président n'a d'autre
responsabilité que de leur donner les moyens de réussir cette mission",
a-t-il écrit dans une série de messages postés sur Twitter.
"Avant de nous proclamer bâtisseurs, reconnaissons que
nous sommes d'abord héritiers... Il serait tragique qu'au deuil de la
destruction succède la manie de la disruption, et que l'orgueil du 'nouveau
monde' dénature maintenant le meilleur de l'ancien au lieu de le
transmettre", a ajouté l'élu de Versailles.
Wauquiez veut une reconstruction à l'identique
À un article du Parisien demandant s'il faut reconstruire
Notre-Dame à l'identique, le patron de LR, Laurent Wauquiez, a laconiquement
répondu dans un tweet : "oui". "Ne laissons pas [la] mégalomanie
[d'Emmanuel Macron] défigurer notre cathédrale !", a de son côté réagi
Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France, en appelant à signer une
pétition pour "rebâtir Notre-Dame telle que nous en avons hérité".
En choisissant le délai rapide de cinq ans pour la
reconstruction de Notre-Dame de Paris et en faisant appel à un "concours
international d'architecture" pour sa flèche, Emmanuel Macron a déclenché
des critiques l'accusant de favoriser un projet qui trahirait sa construction
originale.
Le délai a été jugé "réalisable" par plusieurs
participants à une réunion avec Emmanuel Macron mercredi pour le
"lancement de la reconstruction", même s'il est considéré trop court
par certains experts extérieurs. Le débat fait rage entre ceux qui veulent
reconstruire à l'identique et ceux qui prônent l'utilisation de matériaux
modernes comme le titane pour la toiture ou une architecture plus contemporaine
de la flèche.
Notre-Dame : pour une cathédrale du XXIe siècle
ÉDITORIAL
Le Monde
Editorial. Après l’injonction à reconstruire la cathédrale
en cinq ans d’Emmanuel Macron, le débat est vif entre anciens et modernes.
Osons trancher pour magnifier l’esprit de l’édifice.Publié hier à 10h38 Temps de Lecture 2 min.
Editorial du « Monde ». Après le temps de la catastrophe, de
la sidération et de l’émotion planétaire, voici venu celui des questions, des
spéculations et des controverses dont on raffole sous les cieux parisiens. Il
aura suffi pour cela de deux initiatives du pouvoir politique.
Dès le lendemain de l’incendie qui a ravagé la cathédrale de
Paris le 15 avril, le président de la République, Emmanuel Macron, a pris cet
engagement solennel : « Je veux que Notre-Dame soit rebâtie plus belle encore
d’ici cinq années. » Et, mercredi 17 avril, le premier ministre, Edouard
Philippe, a engagé cette course contre la montre : d’une part, un projet de loi
sera déposé très rapidement afin de donner un cadre légal aux dons qui affluent
de toute part pour financer la restauration, d’autre part, un concours
international d’architectes va être lancé pour décider de reconstruire ou non,
et sous quelle forme, la flèche de la cathédrale, disparue dans le brasier.
Aussi légitime soit-il dans son principe et son intention,
le volontarisme présidentiel a déclenché, dans l’instant, interrogations et
polémiques. Comment Emmanuel Macron peut-il, urbi et orbi, fixer un calendrier
aussi ambitieux, alors que l’impératif immédiat est de protéger et de sécuriser
le bâtiment, et alors que les experts en tout genre commencent à peine à faire
l’état des lieux et des dommages causés par le sinistre ?
Ces opérations complexes, mais décisives, pour la conception
même de la restauration future, peuvent prendre des mois, plus
vraisemblablement des années. Si l’engagement de l’Etat est salutaire, la
précipitation, objectent déjà bien des experts, pourrait être mauvaise
conseillère et abusivement préjuger des choix architecturaux et des solutions
techniques qui seront retenues.
Faut-il restaurer la « forêt » ?
Sans attendre, une autre question a immédiatement embrasé
tout le Landerneau des architectes, des experts des monuments historiques et
des entreprises spécialisées : faudra-t-il restaurer Notre-Dame à l’identique,
est-ce possible et souhaitable ? Eternelle querelle des anciens et des
modernes, des conservateurs et des innovateurs, des prudents, voire des
frileux, contre les audacieux, voire les iconoclastes. Parce que c’est un
édifice unique, si chargé d’histoire et si profondément inscrit dans le paysage
parisien, les prudents exigent de le restituer tel qu’il était à la veille de
l’incendie. Pour les autres, cela reviendrait à s’imposer des contraintes
absurdes quand l’occasion stimulante est offerte de dessiner une nouvelle
cathédrale.
Entre mille autres questions, le débat se concentre, dès à
présent, sur la charpente et la flèche. Faut-il restaurer la première, dont la
« forêt » de poutres séculaires est partie en fumée, avec une nouvelle
structure en bois, ou opter pour des techniques modernes, comme on le fit au
XIXe siècle à Chartres, avec des poutrelles en fonte, dans l’entre-deux-guerres
à Reims, avec des éléments en béton armé, ou à Metz, avec une structure
métallique ? Quant à la flèche, rajoutée de façon intempestive au XIXe siècle
par Viollet-le-Duc, convient-il de la restaurer à l’identique, d’en inventer
une nouvelle ou carrément de la supprimer ?
Osons trancher ! Comme toutes ses semblables, Notre-Dame
n’est pas un patrimoine figé. Depuis des siècles s’y sont sans cesse superposés
les styles et les empreintes, dictés par les choix architecturaux et techniques
du moment. L’essentiel, dans tous les sens du terme, est d’en préserver et d’en
magnifier l’esprit.
Le Monde
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