Venise
dévorée par les paquebots
LE MONDE |
06.02.2016 à 09h40 • Mis à jour le 08.02.2016 à 08h50 | Par
Florence Evin
La cité italienne
ne résiste plus à l’afflux grandissant des touristes que
déversent chaque jour les monstre des mers.
« Derrière la
carte postale, le rêve se fissure », c’est par ces mots que
Linda Bendali ouvre, dans l’urgence, son documentaire sur Venise.
La Sérénissime est mise en danger par les 28 millions de touristes
qui arrivent à bord des monstres des mers paradant devant la place
Saint-Marc. Venise est ce joyau italien de 6 km2, composé de 118
îlots et 177 canaux, réunis par 400 ponts, hérissé de palais
gothiques et Renaissance mâtinés d’Orient, couvents et églises,
restés dans leur jus.
Classée Patrimoine
mondial de l’Unesco depuis 1987, la cité bâtie sur pilotis est
menacée par ce tourisme de masse déversé chaque semaine par trente
paquebots de croisière – 300 m de long, 32 m de large, 60 m de
haut – qui font escale au bout du Grand Canal. Provoquant un
déplacement d’eau qui a « un effet de pompe sur les vases
jusqu’à faire trembler la basilique Saint-Marc », comme le
faisait déjà remarquer, en 2012, au Monde, le maire Giorgio Orsoni.
La première scène
fait frémir : on assiste au demi-tour qu’effectue une de ces
villes flottantes devant la place Saint-Marc, pour le seul plaisir
des milliers de touristes à son bord. On imagine alors une
catastrophe, devant les façades dentelées, minuscules face au
monstre qui n’en ferait qu’une bouchée. Un scénario catastrophe
rappelant l’accident d’un conteneur dans le port de Gênes, en
2013.
Dégradations
irrémédiables
La petite ville de
56 000 habitants souffre de recevoir tant de monde, et les
dégradations sont irrémédiables, comme le montre le documentaire.
Le Grand Canal est devenu une autoroute embouteillée par les
vaporettos, bateaux à moteur, taxis et gondoles ; lesquels
provoquent des ressacs calamiteux pour les palais, dont les
fondations de pierre ou de brique sont peu à peu rongées par le
sel. Sans compter les 30 000 tonnes de déchets annuels à évacuer!
Ce tourisme fournit
30 000 emplois directs, dit le commentaire, mais ne laisse rien, ou
si peu aux commerçants. Les échoppes traditionnelles ferment les
unes après les autres, laissant la place aux boutiques de souvenirs,
made in China, qui écoulent de la bimbeloterie à 5 euros. Le verre
soufflé, prétendument de Murano, provient, à 80 %, d’Europe,
éventuellement d’Italie, mais pas de la lagune.
Lire par ailleurs :
La déception de Venise
Linda Bendali donne
la parole aux Vénitiens, militants en barques à rames, mais aussi
aux libraires, guides, conseillers municipaux, artisans et
commerçants. Dépités, tous tiennent le même discours. Ils
refusent de voir leur cité transformée en parc d’attractions, une
ville fantôme vidée de ses habitants. Et veulent redonner à Venise
une dimension humaine. Parmi leur combat : la sauvegarde du
dernier hôpital menacé : « Fermer un hôpital, c’est condamner
à mort la population », affirme Matteo Secchi, du collectif
Venessia. com, en commentant le convoi funèbre fictif mis en scène
pour se faire entendre.
« Sauver Venise
», l’enjeu n’est pas nouveau. Mais plus la situation s’aggrave,
plus nombreux sont ceux qui crient au loup sans que rien ne change.
Le documentaire met une nouvelle fois l’accent sur l’urgence. La
mesure limitant le tonnage des paquebots à la lagune, à 40 000
tonneaux, selon une directive du gouvernement italien, n’a jamais
été appliquée : ils sont deux à trois fois plus puissants.
En octobre 2015, une
mission de l’Unesco « pri[a] instamment l’Etat italien, avec
un document légal, d’interdire l’accès à la lagune aux gros
navires et aux cargos
En savoir plus sur
http://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2016/02/06/venise-devoree-par-les-paquebots_4860582_1655027.html#1tJUmLy8kw0cOtHj.99
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