La
ligne dure de Berlin contre Airbnb pour préserver son marché
immobilier
Par Thomas Schnee, à
Berlin — 24 juillet 2016
La capitale
allemande s’est imposée comme métropole en préservant ses atouts
politiques et culturels et en se défendant contre les promoteurs
étrangers.
La ligne dure de
Berlin contre Airbnb pour préserver son marché immobilier
Quand Berlin s’est
attaqué fermement à Airbnb au mois d’avril, la nouvelle a vite
fait son chemin dans les métropoles de la planète. Toutes sont
confrontées aux perturbations causées par ce flibustier numérique
de l’hébergement touristique. Mais Berlin est l’une des rares à
avoir utilisé la manière forte.
Depuis le 1er mai,
toute sous-location d’appartement dans la capitale allemande est
soumise à une autorisation des mairies d’arrondissement. Or la
plus centrale d’entre elles, la mairie de Mitte, a prévenu qu’elle
n’en délivrerait aucune. L’offre berlinoise d’Airbnb
dégringole : le carton rouge est sévère.
Le Sénat de la
capitale allemande, qui a le double statut de commune et de Land,
estime qu’avec 16 000 appartements loués au noir à près de 10
millions de clients en 2015, Airbnb a saboté sa politique du
logement pas cher : «Nous voulons empêcher que le parc immobilier
et locatif financièrement accessible, déjà réduit, ne se réduise
encore plus», explique Engelbert Lütke Daldrup, secrétaire d’Etat
au Logement de la ville-région.
«Pauvre mais sexy»
Ce volontarisme
municipal n’a pas toujours été de soi. A la Réunification, l’île
berlinoise n’avait que peu d’industries et aucun enracinement
économique régional. Très vite, elle se retrouve privée du
généreux goutte-à-goutte financier assuré par la RFA pendant la
guerre froide. Aujourd’hui, Berlin traîne un fardeau de 60
milliards d’euros de dettes. Et pendant les années 90, la
politique du Sénat n’a été qu’une longue suite de coupes
budgétaires. Mais, au tournant du siècle, le maire Klaus Wowereit
(2001-2014) trouve la formule qui casse cette déprime : «Berlin est
pauvre mais sexy», lâche-t-il, ironique et décomplexé.
L’expression est vite adoptée par les Berlinois. Elle devient
aussi le slogan de la réaction au fatalisme local.
Car si Berlin est un
poids léger sur le plan économique, il a d’énormes atouts
historiques, politiques, culturels et écologiques. C’est le début
de la reprise en main. Aujourd’hui, au classement 2015 de l’étude
internationale «Cities of Opportunity» (PWC) sur le potentiel des
grandes métropoles mondiales, Berlin arrive à la 13e place sur 26
concurrentes, et à la 4e place européenne.
De plus, dans la
catégorie qualité de vie et développement durable, la capitale
allemande est en pole position : «Berlin est le premier centre
universitaire du pays avec 200 000 étudiants, cinq universités,
plusieurs écoles supérieures de commerce et instituts
technologiques. Les infrastructures sont vieillissantes mais le
réseau de transports en commun est bien développé. La nature est
aussi très présente en plein centre-ville», énumère Nicole
Ludwig, porte-parole pour l’économie des Verts berlinois.
«L’un des grands
avantages de Berlin, c’est l’espace. Et Berlin se défend de plus
en plus contre les promoteurs étrangers », décrypte pour sa part
Eric, un Français qui travaille pour un fonds d’investissement
immobilier américain. «Ici, les prix de l’immobilier ont encore
de belles perspectives d’évolution pour un investissement
raisonnable. D’où notre présence. Mais face à cela, le Sénat,
les arrondissements et les habitants n’hésitent plus, et de plus
en plus, à faire bloquer des projets immobiliers privés. Malgré
ses besoins financiers, la ville commence à comprendre qu’il faut
défendre son cadre de vie unique» , explique-t-il sans s’en
offusquer.
Pépinière rebelle
C’est justement
grâce à un référendum que l’aéroport désaffecté de Tempelhof
et ses 300 hectares de pelouse, qui accueillent concerts, lectures,
barbecues et chars à voile, n’ont pas été recouverts de béton :
«A court terme, c’est un manque à gagner pour la ville. Mais ce
sont de tels particularismes qui aident Berlin à maintenir son
niveau d’attractivité» , estime Nicole Ludwig.
Et justement, c’est
grâce à la qualité de son environnement, à son vivier de
main-d’œuvre hautement qualifiée, à ses espaces de travail
encore nombreux et abordables, mais aussi à un fourmillement
culturel un poil rebelle, que Berlin est aujourd’hui devenu l’une
des principales pépinières européennes de start-up, ces jeunes
entreprises du numérique qui abritent les emplois de demain. Pas
étonnant que Google ou Twitter viennent régulièrement faire leur
marché à Berlin. Ou que Volkswagen y implante son «VW Digital
Lab», chargé de préparer le passage à l’ère numérique du
premier constructeur automobile européen.
Thomas Schnee à
Berlin
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