segunda-feira, 25 de julho de 2016

La ligne dure de Berlin contre Airbnb pour préserver son marché immobilier


La ligne dure de Berlin contre Airbnb pour préserver son marché immobilier
Par Thomas Schnee, à Berlin — 24 juillet 2016

La capitale allemande s’est imposée comme métropole en préservant ses atouts politiques et culturels et en se défendant contre les promoteurs étrangers.

La ligne dure de Berlin contre Airbnb pour préserver son marché immobilier
Quand Berlin s’est attaqué fermement à Airbnb au mois d’avril, la nouvelle a vite fait son chemin dans les métropoles de la planète. Toutes sont confrontées aux perturbations causées par ce flibustier numérique de l’hébergement touristique. Mais Berlin est l’une des rares à avoir utilisé la manière forte.

Depuis le 1er mai, toute sous-location d’appartement dans la capitale allemande est soumise à une autorisation des mairies d’arrondissement. Or la plus centrale d’entre elles, la mairie de Mitte, a prévenu qu’elle n’en délivrerait aucune. L’offre berlinoise d’Airbnb dégringole : le carton rouge est sévère.

Le Sénat de la capitale allemande, qui a le double statut de commune et de Land, estime qu’avec 16 000 appartements loués au noir à près de 10 millions de clients en 2015, Airbnb a saboté sa politique du logement pas cher : «Nous voulons empêcher que le parc immobilier et locatif financièrement accessible, déjà réduit, ne se réduise encore plus», explique Engelbert Lütke Daldrup, secrétaire d’Etat au Logement de la ville-région.

«Pauvre mais sexy»
Ce volontarisme municipal n’a pas toujours été de soi. A la Réunification, l’île berlinoise n’avait que peu d’industries et aucun enracinement économique régional. Très vite, elle se retrouve privée du généreux goutte-à-goutte financier assuré par la RFA pendant la guerre froide. Aujourd’hui, Berlin traîne un fardeau de 60 milliards d’euros de dettes. Et pendant les années 90, la politique du Sénat n’a été qu’une longue suite de coupes budgétaires. Mais, au tournant du siècle, le maire Klaus Wowereit (2001-2014) trouve la formule qui casse cette déprime : «Berlin est pauvre mais sexy», lâche-t-il, ironique et décomplexé. L’expression est vite adoptée par les Berlinois. Elle devient aussi le slogan de la réaction au fatalisme local.

Car si Berlin est un poids léger sur le plan économique, il a d’énormes atouts historiques, politiques, culturels et écologiques. C’est le début de la reprise en main. Aujourd’hui, au classement 2015 de l’étude internationale «Cities of Opportunity» (PWC) sur le potentiel des grandes métropoles mondiales, Berlin arrive à la 13e place sur 26 concurrentes, et à la 4e place européenne.

De plus, dans la catégorie qualité de vie et développement durable, la capitale allemande est en pole position : «Berlin est le premier centre universitaire du pays avec 200 000 étudiants, cinq universités, plusieurs écoles supérieures de commerce et instituts technologiques. Les infrastructures sont vieillissantes mais le réseau de transports en commun est bien développé. La nature est aussi très présente en plein centre-ville», énumère Nicole Ludwig, porte-parole pour l’économie des Verts berlinois.

«L’un des grands avantages de Berlin, c’est l’espace. Et Berlin se défend de plus en plus contre les promoteurs étrangers », décrypte pour sa part Eric, un Français qui travaille pour un fonds d’investissement immobilier américain. «Ici, les prix de l’immobilier ont encore de belles perspectives d’évolution pour un investissement raisonnable. D’où notre présence. Mais face à cela, le Sénat, les arrondissements et les habitants n’hésitent plus, et de plus en plus, à faire bloquer des projets immobiliers privés. Malgré ses besoins financiers, la ville commence à comprendre qu’il faut défendre son cadre de vie unique» , explique-t-il sans s’en offusquer.

Pépinière rebelle
C’est justement grâce à un référendum que l’aéroport désaffecté de Tempelhof et ses 300 hectares de pelouse, qui accueillent concerts, lectures, barbecues et chars à voile, n’ont pas été recouverts de béton : «A court terme, c’est un manque à gagner pour la ville. Mais ce sont de tels particularismes qui aident Berlin à maintenir son niveau d’attractivité» , estime Nicole Ludwig.

Et justement, c’est grâce à la qualité de son environnement, à son vivier de main-d’œuvre hautement qualifiée, à ses espaces de travail encore nombreux et abordables, mais aussi à un fourmillement culturel un poil rebelle, que Berlin est aujourd’hui devenu l’une des principales pépinières européennes de start-up, ces jeunes entreprises du numérique qui abritent les emplois de demain. Pas étonnant que Google ou Twitter viennent régulièrement faire leur marché à Berlin. Ou que Volkswagen y implante son «VW Digital Lab», chargé de préparer le passage à l’ère numérique du premier constructeur automobile européen.


Thomas Schnee à Berlin

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