Grèce : et si c’était une partie
de poker menteur ?
LE MONDE ECONOMIE
| 17.02.2015 à 08h07 • Mis à jour le 17.02.2015 à 09h27 | Par Cécile
Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen)
L'essentiel
- La réunion des
ministres des finances de la zone euro censée trouver une solution sur la dette
de la Grèce s'est soldée par un échec.
- L'Eurogroupe a
donné jusqu'à la fin de la semaine au gouvernement Tsipras pour accepter une
extension du plan d'aide à la Grèce.
- Le ministre des
finances grec s'est dit confiant sur la possibilité de trouver un accord avec
la zone euro dans les prochains jours.
L’Eurogroupe du lundi 16 février,
à Bruxelles, a-t-il été une réunion où chacun – les Grecs d’un côté, les autres
pays de la zone euro de l’autre – a surjoué l’affrontement, afin de ne pas
perdre la face et mieux faire passer un futur accord, qui n’interviendra qu’à
la dernière extrémité ? Ou a t-on assisté à un réel dialogue de sourds, sans
issue ?
« Je ne joue pas,
je n’ai pas de plan B », a juré le ministre grec des finances, Yanis
Varoufakis, à la sortie de ce nouvel Eurogroupe, qualifié « de la dernière
chance » et consacré à l’énorme dette d’Athènes – elle s’établit à 320
milliards d’euros, soit 175 % du produit intérieur brut (PIB) du pays. «
J’espère qu’on était en pleine dramaturgie ce soir, mais je n’en sais rien »,
avouait, de son côté, une source bruxelloise. « Il y a encore du travail de
compréhension », glissait, sobrement, une autre source, proche des
négociations.
Ce qui est sûr,
c’est que, après le fiasco du 11 février, première réunion au sommet entre M.
Varoufakis et les dix-huit autres grands argentiers de la zone euro, le
rendez-vous de lundi a tourné au « clash ». Il n’y a pas d’accord, a constaté
en début de soirée, Jeroen Dijsselbloem, le président de l’Eurogroupe, qui a
donné « jusqu’à la fin de cette semaine, pas plus » aux Grecs pour accepter les
conditions des Européens. « Je n’ai aucun doute que dans les prochaines 48
heures, l’Europe va réussir à nous soumettre [un document] afin que nous
commencions le vrai travail et mettions sur pied un nouveau contrat », a
répondu, un peu plus tard, M. Varoufakis.
« On n’a pas avancé d’un iota »
Au bout d’à peine
trois heures de réunion, la délégation grecque était descendue en salle de
presse du Conseil européen, où se tenaient les discussions des ministres,
brandissant un « draft » de conclusions de l’Eurogroupe, qu’elle a qualifié d’«
inacceptable ». Selon ce document, les Grecs devaient s’engager à « accepter de
conclure avec succès le plan d’aide ». Les Européens, eux, s’engageaient à »
utiliser toutes les flexibilités que recèle le programme actuel ».
« Ce n’était pas
du tout ce dont nous avions discuté avant l’Eurogroupe avec Pierre Moscovici
[le commissaire européen à l’économie], avec qui nous avons eu un échange très
constructif », a assuré une source gouvernementale grecque. Cette version des
faits est toutefois contestée tant à la Commission qu’à l’Eurogroupe, où l’on
prétend qu’il n’a même pas été question de discuter sur un texte d’accord,
lundi, les positions ayant divergé tout de suite. « On en est au même point que
la semaine dernière, on n’a pas avancé d’un iota », soupirait un proche des
négociations, du côté des Européens, lundi soir.
De fait, les
termes du débat restent les mêmes. Arrivé au pouvoir il y a à peine trois
semaines, le premier ministre grec, Alexis Tsipras, leader du parti de la
gauche radicale Syriza, a promis de mettre en œuvre son programme
anti-austérité : mesures d’urgence pour les foyers les plus pauvres, relèvement
du salaire minimum à 751 euros, remise en cause des privatisations et des
mesures de libéralisation du marché du travail imposées par la « troïka » des
créanciers (Commission et Banque centrale européennes, Fonds monétaire
international). Il demande à l’Europe un « moratoire », ou un « plan relais »
de trois ou quatre mois, le temps de négocier cette nouvelle donne.
Utiliser « toutes
les flexibilités »
De leur côté, les
Européens, unanimes depuis le début des négociations, estiment qu’ils ne
peuvent pas donner au gouvernement grec un chèque en blanc, ni le laisser
mettre à terre cinq ans de travail de la troïka, alors que celui-ci commence
juste à porter ses fruits, le pays ayant dégagé un petit excédent primaire, en
2014.
D’où leur
exigence : Athènes doit accepter de « terminer » le deuxième plan d’aide
internationale, quitte à en utiliser « toutes les flexibilités ». Ce plan, 130
milliards d’euros au total, lancé en 2012, est assorti de conditions, c’est-à-dire
de réformes, qui visent à restaurer l’équilibre des finances publiques, la
stabilité du système financier et la compétitivité des entreprises grecques,
mais qui n’ont pas encore toutes été mises en place.
Aux yeux des
Européens, le plus « logique », au vu des délais – le plan d’aide s’achève
théoriquement le 28 février –, serait que les Grecs sollicitent sa prolongation
pour six mois. Cette prolongation devant ensuite être approuvée par les
parlements nationaux d’au moins quatre pays (Allemagne, Pays-Bas, Finlande,
Estonie).
Ce schéma serait
tenable d’ici à la fin de ce mois, si le « signal » d’Athènes arrive dans les
jours qui viennent, assure-t-on à Bruxelles. Au-delà, sans « programme », la
Grèce, qui doit faire face à d’importantes échéances de remboursement (en mars,
en juin-juillet, puis en septembre) et ne peut se financer sur les marchés
qu’au compte-gouttes et à un taux prohibitif, risque le défaut de paiement.
On ne parle plus
de « troïka »
Mais pour M.
Varoufakis, il n’est pas question, à ce stade, de se contenter des «
flexibilités » promises par les Européens. Et pour M.Tsipras, il apparaît
difficile, voire impossible d’accepter de travailler dans le cadre du deuxième
plan d’aide : cela reviendrait à endosser politiquement un contrat signé par
son prédécesseur, le conservateur Antonis Samaras.
Il y a quelque
jours, certains à Bruxelles, avaient évoqué la possibilité, plus conforme au
souhait des Grecs, de se lancer dans une discussion sur un troisième plan
d’aide. Cette voie a pour l’instant été mise de côté. La proposition de ne plus
utiliser le terme « troïka », abhorré des Grecs, a en revanche été adoptée.
A part cette
concession minime, pour l’instant, c’est la ligne « dure » des Allemands qui
prévaut. « Ils sont vraiment exaspérés », soulignait une source européenne,
lundi soir. Les attaques de la presse grecque présentant le ministre des
finances, Wolfgang Schäuble, en nazi, et les demandes répétées de M. Tsipras de
récupérer une « dette de guerre » allemande n’arrangent rien.
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