domingo, 11 de janeiro de 2015

Mort de Ahmed à "Charlie" : "Arrêtez de brûler des mosquées, des synagogues" / LE NOUVEL OBSERVATEUR


Mort de Ahmed à "Charlie" : "Arrêtez de brûler des mosquées, des synagogues"
Par Corinne Bouchouchi / NOUVEL OBSERVATEUR

La famille du policier abattu de sang froid par les terroristes est sortie de son silence pour dénoncer l'islamophobie et la diffusion de la vidéo du meurtre.
Liberté, égalité, fraternité. Cet après-midi, à Livry Gargan, la famille d’Ahmed Merabet, le policier achevé à terre devant l’immeuble de "Charlie Hebdo" par les terroristes, a tenu à rappeler les valeurs de la République française. Et faire taire les "racistes, islamophobes, antisémites" de tout poil dont les voix commencent à se faire cruellement entendre. Les yeux cernés, la voix cassée, c’est Malek, le jeune frère, qui a lu un court texte au nom de tous. Derrière lui, sont assises ses sœurs, à sa gauche, Morgane, la compagne d’Ahmed, à sa droite, son beau-frère. Tous dignes, soudés. 

"Arrêtez de faire l’amalgame, de déclencher des guerres, de brûler des mosquées, des synagogues, et de vous attaquer à des gens", a-t-il supplié. "Ça ne ramènera pas nos morts et ça n’apaisera les familles".

Après le drame, qu’ils ont pris mercredi en pleine figure, ils avaient choisi de se taire. Mais les propos écrits ici ou là, et cette vidéo du drame qui tourne en boucle sur internet les ont poussés à sortir de leur silence.

Non ! Ahmed n’était pas tunisien mais français d’origine algérienne. N’était ni marié, ni père de deux enfants mais avait depuis trois ans une compagne, Morgane, 38 ans, avec laquelle il avait de beaux projets. Il venait de réussir son examen d'officier de police judiciaire. Et était fier de ces échelons gravis un à un depuis la mort de son père, il y a 20 ans.

"On voulait surtout rectifier les choses par rapport à ce qu’on lisait dans les journaux [...]. Et ces images, surtout…", explique Malek en tremblant après la conférence.

"Comment ont-ils osé montrer ça ?"

C’est lui qui le premier a appris, par hasard, la mort de son frère. Il se trouvait dans un commissariat du 19e arrondissement pour déposer une plainte lorsqu’il a entendu les policiers parler de l’attentat contre "Charlie Hebdo" :

"J’ai demandé aux policiers s’ils savaient qui était là-bas. Ils m’ont répondu que c’étaient des plantons. Ça m’a rassuré, tout de suite. Puis dans le couloir j’ai entendu des collègues qui parlaient entre eux. Ils ont prononcé le nom d’Ahmed Merabet. Je me suis levé pour aller les voir. J’ai dit : c’est mon frère. Ils sont restés figés…"

Ses sœurs se sont précipitées chez leur mère. Pour qu’elle ne découvre pas la tragédie par les médias. Eux l’ont pris de plein fouet et sont toujours hantés par les images insoutenable d’Ahmed, allongé sur le trottoir :

"C’est la vidéo la pire que l’on a vue. J’ai entendu la rafale et j’ai entendu sa voix. J’ai reconnu sa voix et là je l’ai vu se faire abattre", raconte Malek dans un souffle. "Comment ont-ils osé montrer ça ? Comment avez-vous osé prendre cette vidéo et la diffuser ?", enrage son beau frère.

Ahmed allait avoir 41 ans le 8 février. Il venait d’acheter une maison. Il était musulman et fier d’être policier.


Corinne Bouchouchi

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