Playbook Paris: Macron dans le bain— McKinsey, la
plaie — La Zemmourie à bout
BY JULIETTE
DROZ AND PAULINE DE SAINT REMY
March 29,
2022 7:00 am
POLITICO
Playbook Paris
Par JULIETTE DROZ
ET PAULINE DE SAINT REMY
Bonjour à toutes
et à tous, bon réveil, nous sommes mardi 29 mars. Hier, le roulis des rolling a
visiblement rendu le sourire à Marine Le Pen et ses équipes, tout juste
rentrées d’un déplacement horribilis en Guadeloupe. Si la dernière mouture
IFOP-Fiducial pour Paris Match, LCI et Sud Radio*, parue en fin de journée,
semble confirmer, à cet instant, le match retour entre Emmanuel Macron et
Marine Le Pen (respectivement crédités de 28% et 21% des intentions de vote au
premier tour, MLP gagnant 2,5 points en une semaine), le sondage n’a jamais
placé la candidate du RN aussi haut au soir d’un hypothétique second tour face
au locataire de l’Elysée.
Pour la première
fois, MLP est donnée à 47% des intentions de vote, face à un président-candidat
crédité, de son côté, de 53% des voix. De mémoire d’agrégateur de sondage,
l’écart entre les deux duellistes présumés ne s’est jamais autant resserré.
Champagne. Hier,
alors que dans les rangs marinistes, consigne avait visiblement été passée
d’e-nonder les réseaux sociaux de captures d’écran de l’instantané flatteur, le
chercheur à Sciences-Po Bruno Cautrès, avec qui Playbook échangeait par texto
dans la soirée, s’interrogeait : “Le vote ‘anti’ qui a marché en 2017, c’était
le vote anti Le Pen. Est-ce qu’en 2022 ce sera le vote anti-Macron ?”. Un peu
plus tôt, ce dernier expliquait à Libé le “en-même-temps” qui pourrait frapper
l’électorat de la candidate RN, entre la tentation, pour certains, de
l’abstention, quand d’autres verraient un exutoire à leur colère dans une
surmobilisation contre le chef de l’Etat.
MACRON DANS LE
BAIN
PREMIER CONTACT.
Quittant sa posture de “surplomb” comme le souligne Le Parisien ce matin, pour
aller “au contact” des habitants de Dijon hier, le candidat Emmanuel Macron a
“enfin pris corps” hier à Dijon, relate de son côté l’Opinion. Entre bains de
foule et déambulations, ici avec des étudiants en formation, là avec des
habitants d’une cité HLM, le président-sortant a coché “toutes les cases du
parfait candidat” rapporte encore Le Figaro, allant jusqu’à répondre aux
questions des journalistes sur un coin de trottoir, dans un exercice assez rare
pour être souligné.
Docteur président
Mister candidat. Veste tombée, Emmanuel Macron s’est aussi frotté aux
frustrations qu’il a pu susciter, de cette femme l’interpellant sur sa réforme
du RSA, “une honte”, à cette mère de famille dont la fille s’est suicidée
pendant le confinement.
Comme en miroir
de cette étrange campagne où la guerre aux portes de l’Europe a fait passer les
problématiques nationales à l’arrière plan, alors qu’il saluait des réfugiées
ukrainiennes dans un quartier populaire de Dijon, le chef de l’Etat a été pris
à partie par un homme sur le coût de la vie : “Mettez-vous à la place d’une
famille française ordinaire, c’est horrible ! C’est horrible de faire les
courses, de faire le plein”, a entendu ma collègue Clea Caulcutt, qui a suivi
le déplacement (Lisez son reportage, en anglais). “Avant, j’avais un salaire
décent, je pouvais partir en vacances, faire des économies. Mais ce n’est plus
le cas, je suis devenu un travailleur pauvre.”
Macron Majax. “Je
n’ai pas de solution magique (…) ce sont des dépenses contraintes”, lui a
répondu Macron, brandissant, en vain, la politique européenne en matière
d’énergie et les mesures gouvernementales sur le pouvoir d’achat.
MCKINSEY, LA
PLAIE. Le président-candidat a aussi été forcé de répondre aux questions sur
l’affaire dite “McKinsey”, du nom du cabinet de conseil qui, comme l’avait
révélé POLITICO, avait — avec cinq autres cabinets — été sollicité par l’Etat
pour l’aider dans sa gestion de la pandémie, et notamment sur la question de la
vaccination. Comme les lecteurs de Playbook et de Paris Influence le savent,
depuis, une commission d’enquête du Sénat a révélé que les dépenses de l’Etat
en recours aux cabinets de conseil sont remontées en flèche sous le quinquennat
qui s’achève, atteignant près d’un milliard d’euros en 2021, après avoir
nettement diminué pendant la période Hollande.
Le
président-candidat avait semblé assumer cette pratique, le 17 mars dernier,
lors de sa conférence de presse, tout en affirmant à tort que les dépenses de
l’Etat en cabinets de conseil avaient baissé de 15% hors pandémie — ce chiffre
correspond en réalité à un objectif de diminution fixé par une circulaire émise
au mois de janvier. Mais Emmanuel Macron n’a depuis cessé d’être interpellé par
ses opposants sur le sujet, de Yannick Jadot à Eric Zemmour au Trocadéro, en
passant par Jean-Luc Mélenchon, certains, comme Xavier Bertrand, allant jusqu’à
parler de “scandale d’Etat”.
Ainsi, après
avoir sérieusement haussé le ton sur le sujet, dimanche, sur France 3 —
enjoignant ses accusateurs à “aller au pénal” s’ils avaient “des preuves de
manipulation”, c’est à dire sur le respect des règles de marché public — le
candidat à sa réélection a-t-il de nouveau justifié le recours ponctuel “à des
compétences extérieures”, hier, à Dijon, laissant transparaître un certain
agacement en évoquant “un débat de fous”. “C’est pas moi qui passe ces
contrats” a-t-il aussi lancé, avant d’avertir : “Je souhaite un débat éclairé,
où chacun justifie ses dépenses. S’il y a des choses qui ne sont pas
justifiées, il y a des responsabilités qui doivent être activées.”
Il faut dire que
le sujet des cabinets de conseil a franchi une étape importante hier soir en
atteignant les matinales radio et les jités du soir, de même que le hashtag
#McKinseyGate truste le top des sujets en vogue sur Twitter depuis plusieurs
jours. De quoi largement alerter l’exécutif comme l’équipe de campagne.
Pimponpin. Preuve
d’ailleurs que l’affaire est bien dans les radars de la Macronie, l’entourage
d’Emmanuel Macron a fait suivre à ses ouailles depuis dimanche soir des EDL (ou
éléments de langage) pour répondre aux révélations du Sénat. “Par rapport aux autres pays
européens, le conseil au secteur public apparaît historiquement limité en
France”, peut-on y lire. On y
affirme aussi que les trois quarts des prestations de conseil liées à la
pandémie touchent à des tâches informatiques et qu’elles auraient permis à “nos
administrations de tenir le choc de la crise sanitaire”. Au passage, le camp
Macron n’oublie pas d’égratigner le pouvoir sarkozyste, soulignant que “le plus
haut taux historique de recours à des cabinets de conseil remonte à 2009 et
2010”.
Du côté du
gouvernement, on se partage entre ceux qui admettent que “l’affaire”, aussi
instrumentalisée soit-elle, fait mauvais genre, et ceux qui la jugent
parfaitement infondée. “Il n’y a vraiment qu’en France qu’on s’offusque de
l’utilisation des cabinets de conseil, qui est monnaie courante aux Etats-Unis”
balayait ainsi un macroniste de la première heure cette semaine auprès de notre
collègue Laura Kayali. Plus nuancé, un autre membre du gouvernement interrogé
par votre infolettre estimait que si le rapport du Sénat avait “permis de
percer des choses”, il était “caricatural sur la forme”.
Du côté du Sénat,
il n’a échappé à personne et sûrement pas à Eliane Assassi, rapporteure du
rapport, que le chef de l’Etat avait été “obligé de reconnaître le travail” de
la Chambre haute bien que le gouvernement soit “sur la défensive”. “Il dit
‘qu’ils aillent au pénal’, mais Monsieur, c’est ce que nous avons fait!” a
encore confié à notre collègue Elisa Braun la sénatrice et présidente du groupe
communiste. De fait, le Sénat a annoncé vendredi avoir saisi la justice pour
une “suspicion de faux témoignage” contre un directeur associé de McKinsey, qui
avait affirmé que son cabinet payait bien l’impôt sur les sociétés en France,
alors que les sénateurs estiment que cela n’a pas été le cas depuis dix ans (ce
que conteste le cabinet, sans toutefois donner plus de détails sur sa façon de
s’acquitter de l’impôt sur les sociétés que tous les autres cabinets ont eux,
bien payé, d’après Eliane Assassi).
En coulisses,
gouvernement et sénateurs se renvoient la balle sur les révélations de la
commission à ce sujet, le premier estimant que les seconds ont enfreint le
secret fiscal, comme l’a indiqué à Playbook une source proche du dossier,
ajoutant que la Direction générale des finances publiques avait “mis en garde
le Sénat sur le fait qu’ils ne pouvaient pas sortir publiquement cette info
d’optimisation fiscale et possiblement de contrôle fiscal”. Au Palais du
Luxembourg, un poids lourd des Républicains sollicité par nos soins hier soir
assurait au contraire que “dès lors qu’une commission d’enquête dispose
d’informations, elle est parfaitement souveraine quant à leur publication”. Et
de conclure : “La macronie devrait se souvenir que dans pouvoir législatif, il
y a pouvoir!”
Bonus.
Rapporteure de la commission d’enquête, la communiste Eliane Assassi, qui
revendique le “sérieux” du travail réalisé, a, quant à elle, reçu les félicitations
personnelles du président du Sénat, Gérard Larcher, tout comme le LR Arnaud
Bazin, qui présidait les travaux, a appris Elisa Braun. De quoi achever
d’empoisonner les relations entre Emmanuel Macron et le second personnage de
l’Etat…
FACE AUX CAMÉRAS.
Comme pour couper l’herbe sous le pied de ceux qui affirment, à l’image
justement du président du Sénat, qu’il tente d’enjamber la présidentielle et
esquive la confrontation, Emmanuel Macron a profité de son déplacement
bourguignon pour dire tout le mal qu’il pensait de l’attitude d’Eric Zemmour,
ce dernier ayant laissé la foule scander “Macron assassin”, lors de son meeting
du Trocadéro dimanche, prétendant ne pas avoir entendu ces propos depuis la
tribune.
Sonotone. Le
président-candidat a évoqué deux hypothèses justifiant, selon lui, l’absence de
réaction du candidat de Reconquête. “La première, c’est l’indignité, c’est
plutôt celle qui me semble la plus crédible” a-t-il estimé avant d’ironiser sur
une deuxième hypothèse : la méconnaissance d’une réforme du quinquennat… le
remboursement des prothèses auditives, Macron invitant “le candidat
malentendant à s’équiper à moindre frais”.
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LA
ZEMMOURIE À BOUT
PING-PONG. La réponse de l’intéressé n’a pas traîné,
Zemmour qualifiant aussitôt, sur BFM, la polémique de “mauvais procès” et la
réponse élyséenne de “plaisanterie de garçon de bains”. Avant de grincer, plus
durement, quelques heures plus tard sur Cnews : “Emmanuel Macron devrait faire
des meetings devant autant de monde à l’extérieur, il comprendrait qu’on
n’entend pas. Il n’a pas encore l’habitude…”
Verre à moitié
vide… Il faut dire qu’un peu plus tôt, au QG de Reconquête, les soldats
zemmouristes avaient la mine des mauvais jours. Un cadre du mouvement, avec qui
Playbook discutait au téléphone, en perdait son habituel calme, “écoeuré” de
voir des propos que son chef n’a pas tenus invisibiliser la démonstration de
force du Troca, conçue pour relancer une machine un peu grippée. “On va où, on va où ? La campagne va
se jouer sur ces mots là ?”, répétait-il en boucle, remonté comme une pendule.
…ou à moitié
plein. Playbook a ouï dire que c’est même le candidat qui aurait rassuré une
partie de ses équipes, hier, lors d’une réunion de campagne. Un Zemmour “pas
surpris” de la vilaine tournure des évènements mais “pas atteint”, selon le
cadre cité plus haut, intimant à ses soutiens de continuer, malgré la tempête.
Un proche du candidat préférant, lui, se persuader qu’il y aurait des bénéfices
à tirer de cette histoire : “En nous ciblant, Macron nous désigne comme ses
opposants et nous remet au centre du jeu”.
AUSSI À L’AGENDA
Emmanuel Macron
préside le Conseil de défense COVID-19 à 10 heures, puis déjeune avec Jean
Castex à 13 heures. Il préside à 17h30 une cérémonie en l’honneur des
délégations françaises aux Jeux olympiques et paralympiques de Pékin, en
présence de Jean Castex, Jean-Michel Blanquer, Sophie Cluzel et Roxana
Maracineanu, ainsi que des sportifs, leurs proches, leurs entraîneurs et des
représentants du milieu sportif. Le président prononcera un discours. Il
remettra des décorations (insignes de la légion d’honneur et de l’ordre
national du mérite) à 18 heures.
Au Sénat,
Brigitte Bourguignon est auditionnée à 15h30 par la commission des affaires
sociales dans le cadre de la mission d’information sur les Ehpad. La délégation
aux droits des femmes poursuit ses travaux autour de la pornographie
aujourd’hui et demain. Aujourd’hui à 15 heures, la délégation auditionne
Ovidie, réalisatrice de documentaires et auteure de l’ouvrage À un clic du pire
: la protection des mineurs à l’épreuve d’Internet.
Yannick Jadot se
rend à Saint-Brieuc autour de la thématique des algues vertes. Testée négative
au COVID-19, Valérie Pécresse se rend à Marcq-en-Baroeul, dans la banlieue de
Lille. Elle rencontre à 12h30 des chefs d’entreprise autour des thèmes de la
baisse des impôts, du pouvoir d’achat et de la lutte contre la bureaucratie.
Cette rencontre est suivie d’une déambulation à Marcq-en-Baroeul. Anne Hidalgo
est à Nancy à partir de 16h30. Elle rencontre des commerçants et des citoyens.
Suite des
auditions du collectif we are_ autour de la culture : Ugo Bernalicis (pour
Jean-Luc Mélenchon) se prête à l’exercice à 8h30 et Frédéric Hocquard (pour
Yannick Jadot) à 19 heures.
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