Playbook Paris: Langage fleuri — Bronca à
l’Assemblée — Mineurs épargnés
BY PAULINE
DE SAINT REMY
January 5,
2022 7:00 am
POLITICO
Playbook Paris
Par PAULINE DE
SAINT REMY
Bonjour à tous et
à toutes, nous sommes mercredi 5 décembre 2021. Si vous étiez en pilou-pilou à
21 heures, hier soir, servez-vous un bon café noir, car vous avez raté quelques
épisodes rock’n roll à l’Assemblée nationale (et un live de folie sur LCP).
Mais d’abord, quelques mots sur l’objet de la colère des députés : l’interview
d’Emmanuel Macron.
LE PRÉSIDENT SE
LÂCHE
GROS MOTS
CHOISIS. S’il est bien vrai que l’important, dans une campagne, est de savoir
imposer les termes du débat, reconnaissons au président de la République
d’avoir marqué un point hier soir avec la parution sur le site du Parisien d’un
long entretien entre lui et des lecteurs du quotidien. Décidé à “parler cash”,
selon les termes d’un proche, inspiré par le De Gaulle de l’entre-deux-tours de
1965, le chef de l’Etat y déclare donc, à propos de sa stratégie sanitaire
(couvrez-les yeux de vos petits) : “Moi, je ne suis pas pour emmerder les
Français. Je peste toute la journée contre l’administration quand elle les
bloque. Eh bien, là, les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Et donc, on va continuer de le
faire, jusqu’au bout”.
Cris
d’orfraie. La petite phrase — une allusion évidente au “Arrêtez d’emmerder les
Français”, de Georges Pompidou — a naturellement enflammé Twitter, ses
adversaires politiques se déchaînant contre un “aveu sidérant” (Jean-Luc
Mélenchon), un “propos indigne et irresponsable” (Fabien Roussel) et “d’une
vulgarité et d’une violence inouïes” (Marine Le Pen), une “stratégie de
l’affrontement” de la part d’un président qui “joue avec le feu” (Stéphane
Troussel), “indigne d’un président de la République” (Florence Portelli).
Une
boulette, quelle boulette? Au même moment, le service de communication de
l’Elysée faisait pourtant déjà passer aux caciques de la majorité quelques
argumentaires indiquant que le président faisait plus qu’assumer ses propos.
Même message du patron des députés, Christophe Castaner, un peu plus tard dans
la soirée. “90% de Français sont vaccinés et une majorité est exaspérée par les
restrictions. Entre Twitter et la vraie vie, le vrai sentiment des gens, il y a
un monde” nous tapotait d’ailleurs un peu plus tard via Telegram le même proche
du chef de l’Etat cité plus haut, certain qu’ils seraient nombreux à approuver
son franc-parler.
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“Il fait un peu
du Zemmour, le côté ‘il dit ce que je pense sur mon canapé’…” décryptait encore
par téléphone une conseillère de l’exécutif, jugeant le calcul plutôt “fort”.
“Les oppositions font des circonvolutions et des interruptions de séances au
Parlement, lui il dit les choses clairement, ça va cliver à mort, on va parler
que de lui” se félicitait un autre stratège de la majorité, par messagerie,
ajoutant que “dans cette affaire, une minorité emmerde une majorité”.
Point trop n’en
faut. Si la philosophie de la petite sortie présidentielle a donc été dans l’ensemble
comprise en interne, la suite de la tirade a en revanche fait se lever quelques
sourcils jusqu’au sein de l’exécutif. Le chef de l’Etat, juste après avoir
déclaré que “(sa) responsabilité, c’est que le pays ne se désunisse pas dans
ces débats”, accuse les “antivax” de “saper ce qu’est la solidité d’une nation”
et conclut en ses termes : “Quand ma liberté vient menacer celle des autres, je
deviens un irresponsable. Un irresponsable n’est plus un citoyen.” La même
conseillère cité précédemment confiait à Playbook trouver cet extrait
“choquant”, “incrompréhensible”, en ce qu’il introduit l’idée de déchéance de
nationalité. “Là, il s’emballe un peu” concédait de son côté le stratège aussi
interrogé par nos soins.
Nota bene. On
retiendra aussi de l’interview d’Emmanuel Macron que s’il n’est toujours pas
officiellement candidat, il admet désormais en avoir “envie” et tâche de ne
plus trop faire de mystère, comme lorsqu’il déclarait, dans ses voeux du 31
décembre : “quelle que soit ma place, je continuerai à vous servir”. “Il n’y a
pas de faux suspense” déclare-t-il ainsi, avant de préciser : “Dès qu’il y aura
les conditions sanitaires qui le permettent et que j’aurai clarifié ce sujet,
en moi-même et par rapport à l’équation politique, je dirai ce qu’il en est
avec la même liberté car je ne veux rien m’interdire”. Objectif, dixit un tout proche : “fermer le
ban” car “ce n’est pas le sujet du moment” (c’est promis!).
NUIT DE
FOLIE À L’ASSEMBLÉE
TIMING
PARFAIT. Pour mémoire, si vous aviez raté votre Playbook d’hier, les députés
s’attaquaient justement aux quelques centaines d’amendements restant à examiner
dans le projet de loi créant le pass vaccinal à l’heure où est parue
l’interview. L’examen du texte retardé par l’interruption de lundi soir,
l’adoption définitive était alors espérée pour la fin de la semaine, avec la
tenue d’une commission mixte paritaire dans le courant du weekend. C’était sans
compter sur la nouvelle sortie présdentielle… Les oppositions ont bruyamment
protesté sur les bancs de l’hémicycle, provoquant de multiples suspensions de
séance.
“Protéger
ou emmerder.” L’Insoumise Mathilde Panot, la socialiste Valérie Rabault ou
encore le Républicain Damien Abad, entre autres, s’interrogaient en substance
au micro sur le véritable motif du projet de loi : protéger les Français ou…
les “emmerder”. La première, dont le groupe est opposé au pass vaccinal,
contrairement aux deux autres, évoquait même dans la nuit “un texte qui invente
la déchéance de citoyenneté”.
L’heure du
crime. Le ministre de la Santé lui-même peinant à s’exprimer dans le brouhaha,
le président de séance, Marc Le Fur (LR), fut contraint de suspendre lui-même
les travaux aux alentours de minuit pour s’entretenir avec les présidents des
groupes.
J’ai cueilli les
fleurs et j’ai sifflé tant que j’ai pu… Ceux-ci ont alors exigé la venue du
Premier ministre en personne, pour qu’il s’explique sur les propos du chef de
l’Etat. Appelé à la rescousse, attendu plus de une heure et demie durant, Jean
Castex n’est finalement jamais venu. “C’est un bras de fer, le faire venir
c’est lâcher et donc accepter qu’on ne parle pas du texte qui est la vraie
urgence”, décryptait la conseillère d’un des ministres encore au banc. Les
travaux ont été interrompus à 1h58 et reprendront, si tout va bien, à 15h tout
à l’heure. Plus de 400 amendements restent à examiner.
Matignon fait
front. Les services du Premier ministre n’ont pas tardé à faire circuler
quelques éléments de langage sur lesquels Playbook s’est évidemment empressé de mettre la main, cette
nuit. “Pour retarder à nouveau l’examen du projet de loi sur la gestion de la
crise sanitaire (…) les oppositions ont tiré prétexte d’une interview du chef
de l’Etat qui ne porte atteinte ni de près ni de loin aux prérogatives du
Parlement” ont-il écrit, ajoutant que le chef de l’Etat avait “simplement”
insisté sur “la nécessité de la vaccination et la justification du pass
vaccinal, ce qui correspond à ce que pense profondément une immense majorité de
Français”. “La demande exprimée que le Premier ministre se rende séance tenante
à l’Assemblée nationale n’avait pas lieu d’être (…) et ne visait en réalité
qu’à alimenter la polémique” justifiait enfin l’entourage de Castex.
Une fleur
pour les mineurs. Le binz nocturne provoqué par les propos d’Emmanuel Macron a
en tout cas été d’autant plus regretté côté majorité que l’exécutif avait fait
une concession, un peu plus tôt dans l’après-midi, envers les oppositions. Le gouvernement a en effet repris, dans un
sous-amendement, une idée d’abord défendue lundi par le parti socialiste,
consistant à remplacer le pass vaccinal par un simple pass sanitaire pour les
enfants de 12 à 16 ans souhaitant participer à des activités “périscolaires et
extrascolaires”, notamment sportives. La mesure a été adoptée à la presque
unanimité (386 voix contre 2). Objectif stratégique visé au sommet de l’Etat,
d’après un conseiller consulté par votre infolettre : “lâcher du lest pour
faire avancer le texte”. Bon, c’était avant l’interview.
Valérie Pécresse
trouvera peut-être dans la séquence l’occasion de faire oublier les turpitudes
de son camp sur le sujet du pass vaccinal. Comme le détaille Le Figaro ce
matin, si la candidate, soutenue par le chef de file des députés LR Damien Abad
et le président du parti, Christian Jacob, défend une ligne dite de
“responsabilité” et a demandé, hier matin, en conseil stratégique, à ses
troupes de voter en faveur du texte, une partie du groupe s’y oppose.
Manifestement pas convaincu ni intimidé, son propre porte-parole, Aurélien
Pradié, qui est aussi numéro 2 du parti, a annoncé plus tard dans la journée,
en réunion de groupe, qu’il s’abstiendrait.
De rien, Edouard.
Une petite coïncidence n’avait échappé à personne, côté majorité, hier soir.
Invité des 4 vérités, sur France 2, tout à l’heure à 7h40, l’ancien Premier
ministre Edouard Philippe sera le premier poids lourd de la majorité à devoir
se coller au service après-vente de l’interview présidentielle ce matin. “Ça va
donner le la” nous écrivait un proche du président, non sans malice, juste
après la séance houleuse de l’Assemblée. Le fondateur d’Horizons, dont
l’Opinion a révélé hier qu’il s’apprêtait à installer son QG à la même adresse
que l’ancien siège de campagne de Jacques Chirac, en 1995, aura, gageons-le,
l’oreille de tous…
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