" On
ne saurait segmenter une société sur une base raciale sans condamner chaque
groupe à s'enfermer dans sa couleur de peau, qui devient dès lors l'ultime
frontière au cœur de la vie sociale. "
L'essai
sur le wokisme de l'année.
La vision
racialiste, qui pervertit l'idée même d'intégration et terrorise par ses
exigences les médias et les acteurs de la vie intellectuelle, sociale et
politique, s'est échappée de l'université américaine il y a vingt ans. Et la
voilà qui se répand au Canada, au Québec et maintenant en France. Elle
déboulonne des statues, pulvérisant la conscience historique, elle interdit de
parler d'un sujet si vous n'êtes pas héritier d'une culture, et vous somme de
vous excuser " d'être blanc ", signe de culpabilité pour l'éternité.
Le racialisme sépare et exclut, n'apporte pas de libertés quoi qu'en disent ses
hérauts, et, plus dangereux, modélise une manière de penser le monde.
LE
26/04/2021
Etats-Unis/France : la "révolution
racialiste" est-elle un produit d'importation ?
Dans un récent essai intitulé "La révolution
racialiste et autres virus idéologiques", le sociologue québécois Mathieu
Bock-Côté démontre les dangers de l'idéologie woke pour l'idéal républicain.
Le mouvement woke
entend fonder un nouvel espace politique, fondé sur la politique des identités.
Mais forgée dans les universités américaines, et propre à la culture de ce
pays, cette idéologie est-elle transposable à la réalité politique française?
L’essai que vient
de publier le sociologue québécois Mathieu Bock-Côté, La révolution racialiste
et autres virus idéologiques, est probablement le grand livre qu’on attendait
sur l’étrange épidémie idéologique que, faute de mieux, on nomme
"woke". D’abord développée dans les serres chaudes des "cultural
studies", prêchées dans de nombreux départements de grandes universités des Etats-Unis - Women’s
studies, Black studies, Gay studies, Queer studies, Subaltern studies, Fat
studies, etc. - cette idéologie entend fonder un nouvel espace politique, fondé
sur l’exaltation de certaines identités, réputées minoritaires ou
marginalisées.
Un certain nombre
de penseurs de la vieille gauche nord-américaine, comme Mark Lilla, Helen
Pluckrose, Bari Weiss, ont déjà beaucoup écrit pour dénoncer les risques que
comporte le wokisme : il tourne le dos à l’idée d’universalisme dans lequel il
voit une ruse des dominants ; il s’attaque à l’idée même de rationalité et lui
oppose l’expression du ressenti des dominés ; il en appelle à la censure des
idées qui lui déplaisent en prétextant qu’elles lui causent une souffrance
insupportable… Mais le point de vue de Mathieu Bock-Côté n’est pas celui de
l’ancienne gauche universaliste, ni celui du libéralisme, issu des Lumières.
C’est celui d’un nationaliste québécois, vigilant défenseur de l’une de ces
"petites nations" dont Milan Kundera a montré combien elles avaient
conscience de leur fragilité. Contrairement aux grandes nations, telle que
croit être la nôtre, elles vivent dans la hantise d’être anéanties et
subjuguées, privées de leur souveraineté et frustrées de leur culture. Ce fut
précisément le cas de la Tchécoslovaquie de Kundera, submergée sous les chars
soviétiques en 1968, puis "normalisée" sous le contrôle de ses
envahisseurs.
Une doctrine qui
refuse l'horizon universaliste républicain
Le Québec, lui,
aurait été "noyé" délibérément par le Canada, pour reprendre le mot
de René Lévesque, fondateur du Parti québécois, sous une immigration massive,
de préférence anglophone. Le "peuple historique" de la
Nouvelle-France, pour reprendre une des expressions favorites de Bock-Coté,
aurait été ainsi victime d’un "coup d’Etat démographique", destiné à
"verrouiller son avenir" : minoritaires sur leur propre sol, les
"Canadiens français" du Québec auront bientôt perdu tout espoir
d'envisager l'indépendance. Depuis Montréal, Bock-Côté se révèle un observateur
informé et vigilant des derniers développements du wokisme : celui-ci ne cesse
de muter en se radicalisant. Mais dans la mesure où il participe aussi aux
débats français, il est bien placé pour observer les retombées de l’idéologie
woke sur le champ intellectuel et politique de notre pays. Et il nous met en
garde contre les risques que nous fait courir une doctrine qui refuse l’horizon
universaliste sur lequel se déploie notre vieil idéal républicain.
La politique des
identités, importée des Etats-Unis, entretient la rancœur des minorités
ethniques, en décrétant que non seulement notre Etat est "structurellement
raciste", mais que notre culture tout entière l’est également, de manière
fondamentale et essentielle. Et qu’il faut donc la "déconstruire".
Or, observe Mathieu Bock-Côté, la France et les Etats-Unis ne partagent pas la
même histoire. La "révolution racialiste" qui a lieu, en ce moment,
aux Etats-Unis, a des causes qui sont spécifiques à ce pays et que nous ne
partageons pas : l’esclavage a été une institution sur le sol américain jusqu’à
la victoire des Etats du Nord sur ceux du Sud, en 1865. Et même après
l’interdiction légale de cette pratique infâme, les trop fameuses lois Jim Crow
ont maintenu, au Sud, une discrimination raciale qui a perduré jusqu’aux
grandes lois sur les droits civiques de 1964 et 1965. Cette histoire a laissé
des traces.
Etats-Unis / France
: des histoires différentes
La question
raciale travaille effectivement l’histoire des Etats-Unis et est indissociable
de leur structure sociale, et nul ne saurait dédramatiser la situation des
Noirs américains. Il est toutefois plus étonnant qu’en l’espace de quelques
années, l’imaginaire sociologique du racialisme ait franchi aussi rapidement
les frontières américaines, au nord comme à l’est. Au point même de traverser
l’Atlantique, comme si les autres sociétés occidentales se mettaient à repenser
leur situation historique selon des grilles d’analyser n’ayant rien à voir avec
leur réalité. La névrose raciale américaine s’est ainsi exportée partout dans
les sociétés occidentales et touche particulièrement la France.
Mathieu
Bock-Côté, La révolution racialiste
Or, poursuit
Bock-Côté, il y a une différence fondamentale entre « les Noirs américains,
descendants d’esclaves et les descendants d’immigrés et de réfugiés ailleurs en
Occident : (…) Les populations associées à la "diversité" en Europe
descendent d’immigrés et de réfugiés qui ont poursuivi, dans ces différents
pays, l’espoir de trouver une vie meilleure, il ne s’agit pas, encore une fois,
de descendants d’esclaves. »
Sem comentários:
Enviar um comentário