quinta-feira, 21 de março de 2024

REMEMBERING 14/11/2021: Théorie du "Grand Remplacement" - Parti pris de Caroline Fourest - 02/11/ 2021 / "Le grand remplacement" : la théorie française qui séduit l'extrême droite mondiale / How France's ‘great replacement’ theory conquered the global far right



Renaud Camus, qui a inventé la théorie "grand remplacement", devant sa maison à Plieux, dans le sud-ouest de la France, le 4 avril 2019.


"Le grand remplacement" : la théorie française qui séduit l'extrême droite mondiale

 

Publié le : 14/11/2021 - 11:14

Texte par :

Lara BULLENS

https://www.france24.com/fr/france/20211114-le-grand-remplacement-la-th%C3%A9orie-fran%C3%A7aise-qui-s%C3%A9duit-l-extr%C3%AAme-droite-mondiale

 

L'animateur controversé de Fox News, Tucker Carlson, y fait souvent référence en direct à l'antenne. Elle a poussé un nationaliste blanc à commettre les attentats terroristes de 2019 contre deux mosquées à Christchurch, en Nouvelle-Zélande, faisant 51 morts. En France, où elle est apparue, la théorie du grand remplacement a le vent en poupe, martelée par Éric Zemmour à la télévision et relayée sur les réseaux sociaux. Mais en quoi consiste exactement cette théorie et comment est-elle née ?

 

"Compte suspendu". Deux mots en gras qui ornent le profil du compte Twitter de Renaud Camus, bloquant son accès à la plateforme qu'il utilisait pour participer à des débats politiques et faire avancer ses convictions. Si sa renommée internationale est loin d'égaler celle de son homonyme, l'écrivain Albert Camus, sa théorie a néanmoins fait le tour du monde.

 

C'est dans son livre "Le Grand Remplacement", publié en 2011, qu'il a inventé cette expression, devenue depuis un cri de ralliement pour l'extrême droite à travers le monde. S'il refuse d'admettre que ses propos incitent à la haine ou à la violence, le réseau social Twitter en a jugé autrement en suspendant son compte à la fin du mois d'octobre. Moins d'une semaine plus tard, le 4 novembre, Renaud Camus a été jugé pour la deuxième fois dans le sud-ouest de la France pour incitation à la haine raciale après avoir publié des commentaires offensants sur Twitter en 2019.

 

Il a fait appel du verdict prononcé contre lui en janvier 2020 et la décision du tribunal sera annoncée le 20 janvier 2022. Pour l'instant, sa peine de deux mois de prison a été suspendue.

 

Renaud Camus "n'a rien inventé"

Enracinée dans le nationalisme raciste, la théorie du grand remplacement attribue à une petite élite un complot contre les Français et les Européens blancs, visant à les remplacer à terme par des non-Européens d'Afrique et du Moyen-Orient, dont la majorité sont musulmans. Renaud Camus parle souvent de "génocide par substitution".

 

Les notions de cette théorie remontent à 1900, lorsque le père du nationalisme français Maurice Barrès parle d'une nouvelle population qui prendrait le pouvoir, triompherait et "ruinerait notre patrie".

 

Dans un article du quotidien Le Journal, celui-ci écrivait : "Le nom de France pourrait bien survivre ; le caractère spécial de notre pays serait cependant détruit, et le peuple installé dans notre nom et sur notre territoire, s'acheminerait vers des destinées contradictoires avec les destinées et les besoins de notre terre et de nos morts."

 

À l'époque où Maurice Barrès écrivait, "l'antisémitisme était extrêmement courant", explique Aurélien Mondon, chercheur et maître de conférence en politique à l'université de Bath, dans le sud-ouest de l'Angleterre, contacté par France 24. "Barrès parlait de l'idée de pureté raciale", analyse-t-il, ce qui explique pourquoi la théorie du remplacement de la population est devenue si populaire chez les nazis, par exemple.

 

Après la Seconde Guerre mondiale, l'extrême droite française a dû réinventer son discours pour effectuer un retour. Délaissant le racisme biologique au profit du racisme culturel, la théorie du remplacement a gagné du terrain dans les années 1970 et 1980.

 

"La Nouvelle Droite et certains intellectuels français tentaient de trouver des moyens de sortir de la marginalité", explique Aurélien Mondon. Au fil des ans, ces idées se sont propagées au sein de l'extrême droite, qui devenait de plus en plus courante en France, ouvrant finalement la voie à Renaud Camus pour publier son livre sur le sujet sans être considéré comme trop radical.

 

"Renaud Camus n'a rien inventé", explique le chercheur. "Il a rassemblé des concepts et inventé l'expression, mais sa théorie s'inscrit dans un contexte beaucoup plus large qui a contribué à la refonte de l'extrême droite [en France]."

 

Esquiver l'accusation de racisme

La théorie du grand remplacement a fait son chemin dans le monde entier, devenant très populaire parmi les mouvements identitaires en Europe et au sein de l'"alt-right", la droite alternative américaine. Pour Aurélien Mondon, cela a été rendu possible par la façon dont l'extrême droite a adapté sa position sur le racisme. Plutôt que de parler de hiérarchies raciales ou ethniques, le discours se concentre davantage sur les cultures et le pouvoir culturel.

 

Dans une interview récente accordée à la chaîne de télévision ancrée très à droite CNews, Renaud Camus a affirmé que sa théorie ne portait pas sur la race, mais sur la défense de la civilisation. "Le racisme est toujours tabou dans nos sociétés", explique Aurélien Mondon. "Personne ne veut admettre qu'il est raciste et personne ne veut être traité de raciste."

 

"Les personnes qui regardent cette interview et qui vont succomber à cette panique, à cette idée selon laquelle elles vont être remplacées sur le plan ethnographique, ne veulent pas être traitées de racistes et vont dire qu'elles défendent la civilisation", poursuit-il. "Cette approche leur offre une respectabilité tout en véhiculant des préjugés racistes, et en protégeant leurs propres privilèges", analyse le maître de conférence.

 

Alliances contre-nature

Renaud Camus a également pris le parti d'Éric Zemmour, l'éditorialiste d'extrême droite pressenti comme potentiel candidat pour la prochaine élection présidentielle française. Un juste retour des choses puisqu'Éric Zemmour s'est lui-même inspiré de Renaud Camus et a propagé la théorie du grand remplacement dans plusieurs de ses propres livres.

 

67 % des Français pensent que le grand remplacement n’est pas un fantasme, ne vous en déplaise.#Facealinfo #JeSoutiensZemmour pic.twitter.com/sBXJR4ivzM

— Eric Zemmour (@ZemmourEric) November 4, 2021

 

Pourtant, tandis qu'Éric Zemmour fait des déclarations ouvertement homophobes, Renaud Camus était devenu dans les années 1970 une icône gay en revendiquant son homosexualité. Il a écrit pour l'hebdomadaire français LGBT+, Gai Pied, en tant que chroniqueur et a publié un roman autobiographique en 1979 intitulé "Tricks" – le récit détaillé de ses ébats d'un soir dans des boîtes de nuit et des appartements crasseux en Europe et aux États-Unis.

 

Selon Aurélien Mondon, cette alliance contre-nature est essentielle pour comprendre comment des théories comme celle du grand remplacement se sont répandues si facilement. "Les gens de l'extrême droite se nourrissent de contradictions. Des antisémites convaincus peuvent s'allier avec des personnes juives, parce qu'ils partagent la même islamophobie et qu'ils jugent cette cause supérieure. Selon la même logique, des personnes profondément antisémites ou islamophobes s'allient parfois avec des personnes musulmanes sur la haine du juif."

 

Pour l'extrême droite, l'anticonformiste est une force, pas une faiblesse. "Cela montre qu'ils sont prêts à dépasser ces contradictions pour gagner sur l'agenda racialiste", explique le chercheur Aurélien Mondon. "C'est le but du jeu pour eux."

 

Selon les statistiques de l'Insee, la population d'immigrés vivant en France était de 6,8 millions en 2020, soit 10,2 % de la population totale.

 

How France's ‘great replacement’ theory conquered the global far right

 

Issued on: 08/11/2021 - 20:44

Text by:

Lara BULLENS

https://www.france24.com/en/europe/20211108-how-the-french-great-replacement-theory-conquered-the-far-right

 

Contentious Fox News host Tucker Carlson often refers to it live on air. It propelled a white nationalist to commit the 2019 terrorist attacks on two mosques in Christchurch, New Zealand, killing 51 people. Now it’s resurfacing in its country of origin, where far-right pundit Eric Zemmour is propagating the theory on TV and social media. But what is the "great replacement" theory and how did it originate?

 

“Account suspended.” Two bold words that decorate Renaud Camus’ Twitter profile, blocking his access to the platform he uses to engage in political debates and advance his beliefs. Though arguably not as internationally known as Albert Camus, the theories that author Renaud Camus has written about have travelled far.

 

It was in his 2011 book “Le Grand Remplacement” that he first coined the term “the great replacement”, which became a rallying cry for the far right worldwide.

 

Though he refuses to admit his words incite hatred or violence, this is precisely why Twitter suspended his account at the end of October. Less than a week later, on November 4, Camus was tried for a second time in the southwest of France for inciting racial hatred after posting offensive comments on Twitter in 2019.

 

He has appealed a January 2020 verdict against him, and the court's decision will be announced on January 20, 2022. For now, his two-month prison sentence has been suspended.

 

‘Camus didn’t invent anything’

 

Rooted in racist nationalist views, the great replacement theory purports that an elitist group is colluding against white French and European people to eventually replace them with non-Europeans from Africa and the Middle East, the majority of whom are Muslim. Renaud Camus often refers to this as “genocide by substitution”.

 

Notions of the theory date as far back as 1900, when the father of French nationalism Maurice Barrès spoke about a new population that would take over, triumph and “ruin our homeland”.

 

In an article for daily newspaper Le Journal, he wrote: “The name of France might well survive; the special character of our country would, however, be destroyed, and the people settled in our name and on our territory would be heading towards destinies contradictory to the destinies and needs of our land and our dead."

 

At the time Barrès was writing, “anti-Semitism was extremely mainstream”, says Dr. Aurelien Mondon, a senior lecturer of politics at Bath University in an interview with FRANCE 24. “Barrès spoke about the idea of racial purity,” he says, which is why the theory of population replacement became so popular among the Nazis, for example.

 

But after World War II, the French far right needed a new discourse to move back into the mainstream. Shifting away from biological racism towards cultural racism, the replacement theory gained ground in the 1970s and 1980s.

 

“The Nouvelle Droite (New Right) and some French intellectuals were trying to find ways to move away from the margins,” Mondon says. Over the years, these ideas spread among the far right, which was becoming more and more mainstream in France, eventually paving the way for Camus to publish his book on the topic without being disregarded as too radical.

 

“Camus didn’t invent anything,” Mondon explains. “He put concepts together and coined the phrase, but his theory is part of a much broader context that contributed to the reshaping of the far right [in France].”

 

Dodging the racism bullet

 

The replacement theory has made its way all around the world, becoming very popular among identitarian movements in Europe and the alt-right in the US. For Mondon, this was made possible by the way the far right adapted their stance on racism. Rather than speaking of racial or ethnic hierarchies, the discourse focussed more on cultures and cultural power.

 

In a recent interview on French right-wing TV channel CNews, Camus claimed his theory wasn’t about race but about defending civilisation. “Racism is still a taboo in our societies,” Mondon explains, “Nobody wants to admit that they’re racist and nobody wants to be called a racist.”

 

“The people who watch that interview and who may fall for this moral panic, this idea that they’re going to be replaced ethnographically,” he says, “don’t want to be called racist and will say they’re defending civilisation.”

 

In the end, this works in their favour, because “it makes people feel good about themselves while allowing them to be prejudiced and racist, all while protecting their own privilege,” according to Mondon.

 

Camus has also sided with Eric Zemmour, a far-right pundit who is expected to announce his candidacy for the upcoming French presidential elections. In fact, Zemmour has long been inspired by Camus and has propagated the replacement theory in his own books, “Le Suicide Français” (The French Suicide) and “Destin Français”(French Destiny). 

 

67 % des Français pensent que le grand remplacement n’est pas un fantasme, ne vous en déplaise.#Facealinfo #JeSoutiensZemmour pic.twitter.com/sBXJR4ivzM

 

— Eric Zemmour (@ZemmourEric) November 4, 2021

“67% of French people think the great replacement isn’t a fantasy, whether you like it or not. #Facealinfo #JeSoutiensZemmour”

But while Zemmour has made openly homophobic claims, Renaud Camus had a brief history as a gay icon in the 1970s and 1980s. He wrote for the French LGBT+ weekly magazine Gai Pied as a columnist and published an autobiographical novel in 1979 called “Tricks”, which gave detailed accounts of one-night stands with men in nightclub bathrooms and grimy apartments across the US and Europe.

 

This unholy alliance is also key to understanding how theories like the great replacement spread so easily. “People in the far right are happy with contradictions,” Mondon says. “People who are deeply anti-Semitic can ally with people who are Jewish because they share the same Islamophobia and that trumps it all. And vice versa, people who are deeply anti-Semitic and Islamophobic will sometimes ally with Muslim people because the anti-Semitism trumps it.”

 

For the far right, being contrarian is a strength, not a weakness. “It shows that they are willing to go beyond these contradictions to win on the racialist agenda,” Mondon explains. “This is the end game for them.”

 

So despite the fact that the great replacement theory is conspiratorial, seeing as only 9.6 percent of the French population was made up of immigrants in 2018, it is a tool to get into a position of power. And for someone like Zemmour, that is the end game.


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