segunda-feira, 10 de junho de 2024

Voilà, voilà

 


Voilà, voilà

 

BY ANTHONY LATTIER

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JUNE 10, 2024 7:00 AM CET

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POLITICO Playbook Paris

Par ANTHONY LATTIER

 

Bonjour à tous et à toutes, nous sommes lundi 10 juin 2024 et il vous reste très exactement vingt jours à tenir, pardon, vingt jours à patienter d’ici au premier tour des élections législatives. Quoi, vous avez raté un micro-épisode hier soir ? Ce n’est rien, on vous raconte tout. Resservez-vous donc un petit jus de ginseng.

 

MACRON DISSOUT

SURPRISE DU CHEF. Prenant la parole en direct depuis l’Elysée à 21 heures, hier soir, Emmanuel Macron, après avoir déploré que l’extrême droite ait réuni près de “40% des suffrages exprimés” lors du scrutin européen — il n’a pas nommé le RN, qui a totalisé exactement 31,47% des voix selon les résultats définitifs qu’on vous livre au complet un peu plus bas — a annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale, ainsi que les dates des premier et second tours des élections législatives : le 30 juin et le 7 juillet.

 

Parenthèse technique : les dates annoncées ont fait hausser un sourcil à plusieurs experts du droit, parmi lesquels Jean-Jacques Urvoas. L’ancien ministre a rappelé sur X que le code électoral prévoit que les candidatures soient déposées “le quatrième vendredi avant le premier tour du scrutin”, ce qui impliquerait que le premier tour n’ait lieu que le 7 juillet.

 

Pas de quoi faire douter l’entourage présidentiel, qui, sollicité par votre infolettre, renvoyait dans la foulée à l’article 12 de la Constitution. Celui-ci dispose que “les élections ont lieu 20 jours au moins et 40 jours au plus après” une dissolution.

 

On est larges. Autant dire que la campagne sera (très, très) courte. Nombre de députés n’ont ainsi pas attendu que les dates officielles soient publiées au Journal officiel pour annoncer qu’ils étaient candidats à leur réélection, à l’image du président de la Commission des lois Sacha Houlié, de Marc Ferracci, André Chassaigne, Cyrielle Châtelain ou encore Charles de Courson. D’autres rêvent d’un retour, comme Jérôme Cahuzac (oui, oui).

 

Scrutin express. Tous auront vraisemblablement jusqu’à vendredi pour déposer leur dossier en préfecture, ce que le ministère de l’Intérieur doit confirmer aujourd’hui. “Un délai de fou !” s’étranglait hier soir un cadre du RN au téléphone, convaincu que “Macron essaie de prendre tout le monde de vitesse”.

 

L’autre parenthèse technique : officiellement, l’Assemblée nationale est donc à l’arrêt et les textes en cours d’examen, dont celui sur la fin de vie, sont suspendus. Les députés sortants conservent l’accès à leur bureau, ils sont rémunérés jusqu’en juillet. Les contrats de leurs collaborateurs – haut les coeurs à ceux qui nous lisent – tombent dans une semaine, précisait-on du côté de la présidence du Palais-Bourbon hier soir.

 

COMMENT ON EN EST ARRIVÉ LÀ. Mais revenons-en au coup de poker présidentiel. La folle rumeur d’une dissolution est arrivée aux oreilles de Playbook vers 19h30. Le chef de l’Etat, apprenait-on, avait sondé plusieurs de ses interlocuteurs à ce sujet dans la journée. Certains ne se privaient pas de faire savoir hors des murs du Palais que le président s’apprêtait à faire une annonce d’importance, semant le doute et la confusion chez d’autres conseillers, dont quelques-uns croyaient à un coup de bluff présidentiel.

 

En salle de crise. En début de soirée, avec de sombres tendances électorales pour son camp (Valérie Hayer obtiendra 14,56%), Emmanuel Macron réunissait plusieurs ministres et cadres de la majorité, notamment Gabriel Attal, Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, Sébastien Lecornu, Rachida Dati, Stéphane Séjourné, Richard Ferrand ou encore le président de l’UDI, Hervé Marseille – Edouard Philippe, retenu “auprès de ses administrés” au Havre, selon son entourage, n’était pas présent.

 

Autour de la table aussi, Yaël Braun-Pivet a refusé de commenter la décision du chef de l’Etat et a demandé un tête-à-tête avec lui, au motif que le chef de l’Etat est tenu par la Constitution de consulter les présidents des deux chambres avant de prononcer la dissolution de l’Assemblée.

 

Lassay est défait. La présidente de l’Assemblée a alors fait savoir à Emmanuel Macron tout le mal qu’elle pensait de cette décision, a appris Playbook auprès de son entourage hier soir. A ses yeux, l’Assemblée fonctionne malgré la situation de majorité relative et les textes sont votés. Elle a donc “pris acte”, selon son entourage, de la décision du président. Tendez une oreille : elle en dira certainement un peu plus à 7h40 ce matin sur France 2.

 

Allo, Gégé. Puis le chef de l’Etat a appelé le président du Sénat, Gérard Larcher, pour lui annoncer la nouvelle. Emmanuel Macron lui aurait alors dit “qu’il faudrait bien qu’il y ait un accord à un moment…”, a rapporté une source sénatoriale à Playbook hier soir. Comprenez : il accentue la pression sur les Républicains, avec qui il ne désespère pas de toper.

 

EDL élyséens. Les mauvais esprits se souviendront peut-être que le président avait assuré lui-même et on the record qu’il ne tirerait pas de conclusions nationales du résultat des élections européennes. Rassurez-vous : ses proches avaient prévu le coup pour justifier ce revirement auprès de la presse, lors d’un briefing téléphonique organisé à chaud. Il fallait, selon eux :

 

Petit 1 “tenir compte [du vote] des Française et des Français” en apportant une réponse politique au raz-de-marée de l’extrême droite

 

Petit 2 avoir un “moment de clarification” nécessaire pour répondre au “désordre parlementaire”, alors que la majorité relative “rend difficile l’action”.

 

“On y va pour gagner !”, a bien précisé un conseiller d’Emmanuel Macon, histoire, vous l’aurez deviné, de couper court à l’idée que le chef de l’Etat serait décidé à sacrifier sa majorité.

 

Pas un coup de sang. Un autre, avec qui Playbook échangeait aux petites heures du jour, nous certifiait que la décision présidentielle était “en réflexion” depuis “des semaines”. “Ça coagule et à un moment, c’est une évidence”, nous pianotait-il encore.

 

CAMPAGNE DE LA MAJORITÉ

VITE SE RELEVER. Mis au chômage en quelques secondes par le chef de l’Etat, les députés du groupe Renaissance ont improvisé une réunion en visio hier vers 22 heures pour tenter d’y voir plus clair. La plupart se sont inquiétés de la manière dont ils devront organiser une campagne en quelques jours (impression des affiches, ouverture de comptes de campagne, etc.).

 

Main tendue. Mais le parti Renaissance tiendra surtout un bureau exécutif demain à 18 heures pour s’attaquer à la question non moins délicate des investitures. Le secrétaire général du parti, Stéphane Séjourné — qui a précisé par écrit hier aux membres du burex qu’il prenait “en charge l’organisation de la campagne” — a fait savoir à l’AFP dans la soirée que le camp présidentiel “ne présentera(it) pas de candidat” contre des députés sortants” faisant partie du champ républicain” et “qui souhaitent s’investir sur un projet clair pour le pays”. Ahem.

 

De quoi doucher les espoirs de certains candidats battus en 2022 qui auraient pu vouloir repartir. Mais la priorité présidentielle est claire : attirer un maximum de députés dans la majorité. En facilitant donc leur réélection en échange. Ce qui, au passage, sème un peu plus la zizanie entre alliés de la Nupes et au sein des Républicains.

 

Précisions d’un conseiller du patron du parti : la main tendue par Séjourné concerne tous les députés d’opposition à l’exception de ceux du RN et de la France insoumise.

 

Toujours Ensemble ? L’autre gros enjeu de ces prochaines heures : savoir si la majorité présidentielle partira unie sous une bannière commune comme en 2022 quand Renaissance, le MoDem et Horizons avaient provisoirement disparu sous l’appellation “Ensemble”. L’affaire n’était pas encore réglée hier soir et doit faire l’objet de discussions aujourd’hui, selon plusieurs sources.

 

Philippe mouline. On phosphorera fort notamment côté Horizons. Edouard Philippe a réuni un bureau politique de son parti dès hier soir, dont rien n’a fuité, et devrait en tenir un second en fin d’après-midi aujourd’hui. Il s’exprimera a priori mardi, selon son entourage, qui prévenait hier soir : “Rien ne l’engage tant qu’il n’a pas discuté et donné son accord.”

 

Allié marri. Si François Bayrou a quant à lui défendu avec ardeur le choix d’Emmanuel Macron hier soir, le ton était moins enthousiaste chez plusieurs députés du groupe MoDem contactés dans la soirée. Son président en particulier, Jean-Paul Mattei, “troublé”, jugeait la décision présidentielle “très précipitée” et craignait que le scrutin “ramène” encore plus de députés RN dans l’hémicycle.

 

CÔTÉ RN

BRANLE-BAS DE COMBAT. Jusqu’à 1h45 environ cette nuit, les caciques du Rassemblement national étaient réunis en bureau exécutif, au cinquième étage du siège parisien du parti.

 

Un plan en tête. La préparation d’une possible dissolution avait débuté il y a plusieurs mois, au RN, selon deux poids lourds du parti. Un “Plan Matignon” concocté en interne aurait même permis de tenir une liste de candidats prêts à entrer en campagne dans chaque circonscription. “On a juste à passer des coups de fil pour vérifier qu’il n’y a pas de désistement”, se félicitait l’une de ces deux sources.

 

En ordre de marche. Les consultations des différentes instances ont alors déjà commencé. Un peu avant minuit, Gilles Pennelle, le directeur général du parti, réunissait en visioconférence les secrétaires départementaux du RN. Objectif : annoncer les investitures de leurs candidats aux législatives “dans les 48 heures”, d’après l’un de ces cadres locaux. Ceux-ci doivent proposer des noms à la chefferie RN aujourd’hui à 15 heures, poursuivait notre homme.

 

Renforts. D’après le même interlocuteur, le parti comptabilisait 1 480 nouvelles adhésions depuis 20 heures et l’annonce de leur victoire.

 

REMARIAGE. Avant que Marine Le Pen ne déclare elle-même qu’il était “nécessaire d’unir tous ceux qui souhaitent l’après-Macron” et annonce des “discussions dans les jours qui viennent”, Pennelle avait lui aussi glissé une petite phrase tombée dans l’oreille de Playbook. “On prend contact avec nos alliés”, a confié l’eurodéputé fraîchement élu à ses troupes. Notre source expliquait : “il n’a pas dit de nom, mais je ne vois pas qui d’autre” que Reconquête pourrait se dissimuler sous cette appellation.

 

Ecoute, tata est près de toi. Il faut dire qu’un peu plus tôt dans la soirée, la tête de liste du parti d’Eric Zemmour, Marion Maréchal, fraîchement élue, s’était déclarée “prête à rencontrer […] Marine Le Pen, Jordan Bardella” (entre autres) dans la perspective des législatives. Le tout, sous les yeux ébahis, ou plutôt écarquillés d’effroi du patron du parti. “Eric Zemmour, il est sonné, il se fait putscher en direct”, se marrait via Whatsapp un collaborateur LR. Sa première lieutenante (et compagne) Sarah Knafo a toutefois semblé saisir la balle au bond, appelant elle aussi à “l’union” avec le RN.

 

Au fait, si vous en doutiez : il y a dix jours, Marine Le Pen confirmait qu’en cas de victoire de son parti à des législatives anticipées, Jordan Bardella aurait “vocation à être Premier ministre”. Ce que Louis Aliot, qui siège au bureau exécutif, a confirmé dans la soirée.

 

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GAUCHE ET NUPES

CHAPELLES À L’UNITÉ. A gauche aussi, les conciliabules ont duré jusque tard dans la nuit. “Tout le monde échange dans tous les sens”, confirmait un député écologiste dans la soirée. Les Verts, qui passent à peine la barre des 5%, se sont ainsi réunis par visio en conseil politique. Les députés socialistes ont, eux, échangé avec leur chef Boris Vallaud.

 

Accord du passé. Première question pour la gauche : que va devenir l’accord électoral de la Nupes de 2022, dont les derniers clous du cercueil semblaient avoir été enfoncés lors de la campagne des européennes ?

 

Tous derrière moi. Chacun y est allé de sa formule hier soir : le socialiste Olivier Faure a plaidé pour un “rassemblement utile”, tout en notant avec insistance que le “rapport de forces” a “évolué” avec le score de Raphaël Glucksmann (supérieur à celui de l’Insoumise Manon Aubry) ; l’écologiste Marine Tondelier, quant à elle, invite “tous les chefs de partis progressistes à se réunir” dès ce matin ; tandis que l’insoumis Manuel Bompard se dit “favorable à poursuivre la démarche” de 2022. Arrêtons “nos conneries”, a lancé François Ruffin, qui – après avoir traité Macron de “taré” à la TV – a appelé à une large union derrière une nouvelle bannière : front populaire.

 

Quelle base pour des discussions ? Un “accord électoral et quelques points de programme”, envisagé par l’un de nos interlocuteurs (écolo) du soir, ou une Nupes ripolinée ? “Dur à dire”, nous pianotait tardivement un élu socialiste. “En suspens”, bottait en touche un écologiste, qui sous-entendait toutefois que les siens, vu leur score du soir, “seraient heureux de juste garder leurs députés sortants” et “ne demandent rien d’autre”.

 

Premier meeting. Lors de sa seconde prise de parole de la soirée peu avant minuit, Jean-Luc Mélenchon a exhorté, place de Stalingrad à Paris, dans ce qui ressemblait à un premier meeting de campagne, à (re)construire “l’unité du peuple” avant “l’unité politique”, sur un programme qui : 1. “n’accepte aucune forme de racisme”, ni antisémitisme, ni islamophobie ; 2. défend des “intérêts sociaux communs”, comme la retraite à 60 ans ; et 3. protège la nature.

 

La bataille interne des retraites. A trois heures du mat’, La France insoumise en a remis une couche et complété, via un communiqué, cette esquisse de programme, qui doit fermer “la page des reniements des mesures” de la Nupes. Sept points, avec la retraite à 60 ans — rejetée par Raphaël Glucksmann pendant la campagne des européennes — tout en haut de la pile.

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