quarta-feira, 15 de janeiro de 2025

Colère rose et zizanie

 


Colère rose et zizanie

By Anthony Lattier

11 mins read

January 15, 2025 7:00 am CET

https://www.politico.eu/newsletter/playbook-paris/colere-rose-et-zizanie/

 

POLITICO Playbook Paris

Par ANTHONY LATTIER

Avec ELISA BERTHOLOMEY et SARAH PAILLOU

 

Bonjour à tous. Vous avez fait de beaux rêves mais vous vous réveillez en ce mercredi 15 janvier 2025 avec un souvenir confus de la veille : conclave, mission flash, tabou, poireaux, censure… Il y a eu le discours de François Bayrou, plutôt intelligible, et puis… quoi, au juste ? Pas de panique, oui, les choses se sont (beaucoup) compliquées en fin d’après-midi et dans la soirée. Tentons d’y voir plus clair.

 

RÉFORME DES RETRAITES

AU PLUS PRÈS. Avant d’en venir au psychodrame d’hier soir, sachez qu’Emmanuel Macron, bien que silencieux, ne perd pas une miette de ce qu’il se passe. On vous parlait hier des SMS élyséens aux socialistes, il y a plus : le chef de l’Etat a invité Gérard Larcher à 8 heures avant la redite de la déclaration de politique générale (DPG) de François Bayrou au Sénat, à 15 heures. Hier, c’est avec Yaël Braun-Pivet qu’il avait pris son petit-déjeuner (la présidente de l’Assemblée avait glissé un indice ici). Lundi soir, pendant les ultimes tractations avec le PS, c’est François Bayrou lui-même qu’il avait fait venir à l’Elysée.

 

À l’évidence, Emmanuel Macron suit donc les choses de bien plus près que sous Michel Barnier, qu’il avait choisi de “laisser faire”. Il faut dire qu’ “il a donné plus de latitude à Bayrou qu’il n’en avait donné à son prédécesseur”, constatait un proche du nouveau Premier ministre, hier soir, après la DPG. A commencer par la réouverture annoncée par François Bayrou à la tribune hier de négociations très encadrées autour de la réforme des retraites (POLITICO fait le point sur les sept autres points importants de son discours ici).

 

PROBLÈME (ET PSYCHODRAME) : ce qui a été annoncé sur les retraites n’a pas convaincu les socialistes avec qui, pourtant, les concessions avaient été négociées. En résumé : les socialistes sont fâchés, les bayrouistes ne comprennent pas pourquoi les socialistes sont fâchés, les socialistes pensent qu’ils font exprès de ne pas comprendre. Reprenons donc.

 

Ce que Bayrou a proposé : une “remise en chantier” de la réforme avec les syndicats et le patronat “sans aucun totem et sans aucun tabou, pas même l’âge de la retraite”. François Bayrou installera dès vendredi une “délégation permanente” composée de représentants des partenaires sociaux qui l’accepteront. Ils travailleront “dans les mêmes bureaux pendant trois mois” pour trouver un accord afin de modifier la réforme des retraites avant la rentrée 2025. Ceci sera précédé par une “mission flash” menée par la Cour des comptes sur l’état du financement du système des retraites.

 

Patatras. Tout allait à peu près bien jusqu’à cette phrase prononcée par Bayrou : “Je souhaite que cet accord soit trouvé. Mais si les partenaires ne s’accordaient pas, c’est la réforme actuelle qui continuerait à s’appliquer”.

 

Que n’avait-il pas dit ! Les députés socialistes ont vu rouge. A les entendre, un tel préalable rendra caduque la proposition : cela ne forcera pas les partenaires sociaux (notamment le patronat) à trouver une solution. “Ils ont fumé la moquette ! Dire qu’il pourrait y avoir un retour à la réforme Borne s’il n’y a pas d’accord, ça favorise celui qui n’a pas intérêt à ce que ça change” enrageait hier au bout du fil le député socialiste Arthur Delaporte. C’est aussi ce qu’expliquait un communiqué de la CGT publié dans la soirée : “Le Premier ministre biaise d’entrée de jeu les discussions et place le patronat en position de force”.

 

Débat. Quand il a déboulé au jité de TF1, hier soir, Olivier Faure avait donc une nouvelle exigence à formuler à François Bayrou : que le chef du gouvernement “s’engage à ce que le Parlement soit saisi” après la négociation. Peu importe qu’un accord ait été trouvé ou pas entre les partenaires sociaux. Sans cela, le premier secrétaire du PS a assuré que les députés socialistes censureront François Bayrou jeudi.

 

Las. Après coup, un proche du PM, au téléphone avec Playbook, s’avouait impuissant : “Faure condamne le truc pour lequel il était d’accord, je ne comprends pas ce qu’ils [les socialistes] veulent.” Avant d’ajouter : “On reprécisera les choses si besoin”.

 

Au passage : notez que, dans la soirée, le ministre de l’Aménagement du territoire, François Rebsamen (ex-socialiste), a assuré sur BFM TV que c’est bien “le Parlement qui tranchera” la question des retraites — tout en précisant qu’il s’exprimait en son nom, pas en celui de François Bayrou.

 

SUR LEURS DEUX OREILLES. Partagent-ils eux aussi l’analyse faite par les socialistes et la CGT ? Force est en tout cas de constater que les députés macronistes et LR croisés par votre infolettre à l’Assemblée hier ne semblaient pas inquiets outre mesure quant à l’avenir de la réforme.

 

Mission crash. “Bayrou dit qu’il n’y a pas de tabou pour trouver un autre deal mais on sait très bien qu’il n’y a pas d’autre deal possible” exposait un dirigeant du groupe EPR (ex-Renaissance). Il ajoutait — et s’en félicitait — qu’il n’y aurait “jamais” d’accord entre les partenaires sociaux pour augmenter les cotisations salariales et patronales ou baisser les pensions des retraités, et qu’il serait très difficile de trouver une alternative à l’augmentation de l’âge légal à 64 ans.

 

MOTION DE CENSURE

ZÉRO SPOILER. Disons-le d’emblée : la motion de censure du gouvernement qui sera examinée demain jeudi n’a aucune chance d’être adoptée, le RN ayant annoncé qu’il ne la votera pas. Seul intérêt politique des prochaines 36 heures : savoir si le groupe PS trouvera une position commune, et s’il votera cette motion.

 

Car les 66 députés socialistes sont divisés. Certains, comme l’ancien président François Hollande, pensent qu’il faut demander des clarifications, mais aussi reconnaître les avancées obtenues et ne pas renvoyer le gouvernement dans les bras du RN.

 

D’autres, qui s’estiment floués, veulent appuyer sur le bouton rouge. “Censurer jeudi ce serait un tir de semonce” avançait Arthur Delaporte (qui, à l’heure de notre conversation, n’avait pas arrêté son choix). A ses yeux, cela forcerait Bayrou à “lâcher du lest” lors des discussions budgétaires.

 

Mais mais mais une ministre du gouvernement, avec qui échangeait Playbook à la mi-journée, mettait en garde : “Si les socialistes censurent, ils ne sont plus au centre du jeu, ça ne sert plus à rien de négocier avec eux. On les recevra juste pour la forme.”

 

Évaluation à la louche du rapport de force, transmise par une source interne au groupe PS dans la soirée : deux tiers des députés ne voudraient pas censurer Bayrou et un tiers le souhaiterait, “notamment des proches d’Olivier Faure”, nous précisait-elle.

 

MÉLENCHON COGNE. Une chose doit être notée : les socialistes sont les seuls parmi les trois groupes du NFP à ne pas avoir signé la motion de censure déposée à l’initiative de LFI. Bien qu’ils aient aussi participé aux négociations (mais pas d’aussi près que les socialistes), les Ecologistes et les communistes ont jugé les annonces de François Bayrou largement insuffisantes.

 

Trop content de voir la plupart d’entre eux revenir au bercail après leur escapade à Bercy, Jean-Luc Mélenchon a accusé sur X le groupe PS de “diviser” le NFP et appelé Olivier Faure à sortir de “cet isolement”. Au Parisien, l’Insoumis a déclaré que “tous ceux qui ne votent pas la censure sortent de l’accord du NFP”. Il a menacé d’investir, lors des prochaines élections, des candidats face à eux. “On met des options sur leurs circonscriptions”, a lancé Mélenchon.

 

Précision technique : le texte de la motion a été paraphé par 58 élus, soit juste le nombre nécessaire. Un député ne pouvant signer que trois motions par session ordinaire, LFI a voulu “se garder des cartouches”, expliquait-on au groupe hier.

 

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