Immigration
: ce qui va changer avec la nouvelle « circulaire de fermeté » de Bruno
Retailleau
Le ministre
de l'Intérieur Bruno Retailleau a adressé une nouvelle circulaire aux préfets,
les appelant à resserrer les critères d’octroi de titres de séjour à des
étrangers sans papiers. En 2023, un peu moins de 35 000 personnes ont pu être
régularisées via le pouvoir discrétionnaire des préfets, jusqu’ici encadré par
des directives datant de 2012.
Romain David
Par Romain
David
Publié le
24/01/2025 à 16:48
Mis à jour
le 24/01/2025 à 16:49
Bruno
Retailleau, le ministre de l’Intérieur, avait promis de mettre fin à la
circulaire Valls sur l’admission exceptionnelle au séjour, c’est désormais
chose faite. Le locataire de la place Beauvau a présenté ce vendredi 24 janvier
une circulaire de trois pages, dont le contenu avait déjà été dévoilé par Le
Figaro et l’AFP, et qui fixe un nouveau cadre au pouvoir discrétionnaire des
préfets de régulariser, de manière exceptionnelle, certains étrangers sans
papiers. Envoyé aux administrations jeudi soir, son contenu durcit sensiblement
les instructions qui prévalaient jusqu’à présent.
« Bien
sûr que c’est une circulaire de fermeté, je l’assume totalement », a déclaré le
ministre lors d’une conférence de presse en marge d’une visite à la direction
des migrations de la préfecture des Yvelines. « Depuis la précédente
circulaire, prise en décembre 2012, beaucoup de choses ont changé. Et d’abord
le droit, il y a eu plusieurs lois immigration qui ont refondé des dispositifs
», a-t-il expliqué. « Je voulais simplifier. La circulaire Valls c’était 12
pages et 27 critères, cette nouvelle circulaire, c’est trois pages », a-t-il
fait valoir.
Depuis sa
nomination au portefeuille de l’Intérieur en septembre par Michel Barnier,
poste qu’il a conservé avec l’arrivée de François Bayrou à la tête du
gouvernement, l’ancien sénateur LR a fait de la lutte contre l’immigration
illégale l’un des principaux axes de son action politique. « Cette maîtrise de
l’immigration est absolument fondamentale, si on ne le fait pas, on encourage
un appel d’air », a encore martelé le locataire de la place Beauvau ce
vendredi.
Lisser le
cadre des régularisations exceptionnelles
Publiée
en 2012, lorsque Manuel Valls était ministre de l’Intérieur, la circulaire
Valls liste une série de critères, recoupant principalement des motifs
familiaux ou professionnels, selon lesquels un étranger entré illégalement sur
le territoire peut exceptionnellement solliciter auprès du préfet un titre de
séjour, sans pour autant créer un droit opposable à la régularisation. Pour
rappel, une circulaire n’a pas valeur de loi. Il s’agit de recommandations
adressées par le ministère à ses administrations par rapport à l’interprétation
d’un texte de loi ou d’un règlement, afin de permettre une application uniforme
de la législation en vigueur sur le territoire national.
« L’idée
sous-jacente de la circulaire Valls était déjà de faire reposer l’admission
exceptionnelle au séjour à des critères d’intégration. La loi, le Code de
l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), prévoit la
régularisation des étrangers en situation irrégulière que ce soit par le
travail ou la famille. Il appartient ensuite au ministre de l’Intérieur de
fixer un cadre. Un cadre qui n’est pas opposable aux préfets », nous expliquait
Serge Slama, professeur de droit public à l’université Grenoble-Alpes, dans cet
article.
Tour de
vis
La
circulaire Valls recommandait notamment de tenir compte d’une durée minimale de
cinq ans de présence sur le sol français, délai allongé à sept ans par la
circulaire Retailleau. Ce document fait également de la bonne connaissance de
la langue française un élément central de la capacité d’insertion du demandeur,
quand il n’était question jusqu’ici que « d’une maîtrise orale au moins
élémentaire », appréciable au moment du dépôt du dossier. « La justification
d’un diplôme français ou bien d’une certification linguistique, délivrée par un
organisme dûment agréé, ou toute autre preuve d’une maîtrise de la langue devra
être appréciée favorablement », lit-on dans la nouvelle circulaire.
Ce
document insiste par ailleurs sur le respect de l’ordre public, c’est-à-dire
l’absence de condamnations, et celui des « principes de la République », parmi
lesquels la liberté d’expression et de conscience, l’égalité entre les femmes
et les hommes, la devise et les symboles de la République ou encore la laïcité.
Ce sont les sénateurs de droite – dont Bruno Retailleau a été le chef de file
jusqu’à sa nomination au gouvernement – qui ont conditionné dans la loi
immigration de 2024 la délivrance d’un titre de séjour à la signature d’un
contrat d’adhésion à ces principes, reprenant une liste élaborée par le Conseil
d’Etat.
Bruno
Retailleau demande au préfet que les refus de séjour s’accompagnent «
systématiquement » d’une mesure d’obligation de quitter le territoire français,
les fameuses OQTF. Alors que seulement 7 % de ces décisions d’expulsion sont
mises en œuvre, le ministre de l’Intérieur s’est engagé à développer les
accords de coopération avec les pays de départ afin de faciliter la délivrance
des visas consulaires, indispensables pour renvoyer vers leurs pays d’origine
les étrangers sans papiers.
Par
ailleurs, les nouvelles directives invitent les préfets à exclure des
régularisations les demandeurs déjà frappés par une OQTF. Bruno Retailleau
entend ainsi lutter contre un phénomène kafkaïen souvent dénoncé à droite de
l’échiquier politique : certains demandeurs produisent devant l’administration
les OQTF auxquelles ils ont réussi à se soustraire comme justificatifs de leur
présence sur le sol français depuis un certain nombre d’années.
Un enjeu
de main-d’œuvre dans les secteurs en tension
«
L’objectif, c’est de diminuer l’immigration illégale. […] Si on veut diminuer
cette immigration, notamment illégale, il ne faut pas régulariser de façon trop
quantitative, sinon on donne une prime à l’irrégularité, à ceux qui ont fraudé
et l’on rend impossible l’intégration ou l’assimilation », avait expliqué le
ministre un peu plus tôt dans la journée sur Europe 1. En 2023, la circulaire
Valls a permis à 34 724 personnes d’obtenir un titre de séjour, un chiffre
stable par rapport à 2022, indique le ministère de l’Intérieur. Selon une
estimation du Figaro, les nouvelles recommandations devraient faire baisser
d’un tiers ce type de régularisations. « Si on donnait un chiffre à l’avance,
on trahirait le principe de la circulaire, qui deviendrait alors attaquable »,
a balayé Bruno Retailleau ce vendredi.
Par
ailleurs, un peu plus de 30 % des titres de séjour délivrés à titre
exceptionnels par les préfets en 2023 s’appuyaient sur des motifs
professionnels. Les secteurs de l’hôtellerie-restauration, du BTP, de
l’agriculture, de l’entretien et des services à la personne, qui peinent à
recruter, sont généralement les plus concernés par ces titres de séjour. Si les
nouveaux critères sont « appliqués à 100 % », « cela va poser problème », a
voulu alerter Frank Delvau le président de l’Union des métiers de l’hôtellerie-restauration
(Umih) d’Île-de-France sur franceinfo. « Ces décisions vont les priver jusqu’à
un tiers de leurs employés dans la restauration », a estimé la sénatrice
socialiste de Paris Marie-Pierre de la Gontrie sur le réseau social X.
La loi de
2024 prévoit d’actualiser la liste des métiers en tension pour lesquels un
travailleur sans papier est éligible à une demande de régularisation. Début
janvier, la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, s’est engagée à
publier cette liste, sous la forme d’une cartographie tenant compte de la
situation de chaque région, d’ici la fin du mois de février.
Immigration:
what will change with Bruno Retailleau's new "circular of firmness"
The Minister
of the Interior Bruno Retailleau has sent a new circular to the prefects,
calling on them to tighten the criteria for granting residence permits to undocumented
foreigners. In 2023, just under 35,000 people were regularised via the
discretionary power of the prefects, until now framed by directives dating from
2012.
Romain David
By Romain
David
Published on
24/01/2025 at 16:48
Updated on
24/01/2025 at 16:49
Bruno
Retailleau, the Minister of the Interior, had promised to put an end to the
Valls circular on exceptional admission to stay, but this has now been done.
The tenant of Place Beauvau presented this Friday, January 24, a three-page
circular, the content of which had already been revealed by Le Figaro and AFP,
and which sets a new framework for the discretionary power of prefects to
regularize, in an exceptional way, certain undocumented foreigners. Sent to the
administrations on Thursday evening, its content significantly tightens the
instructions that have prevailed until now.
"Of
course it's a circular of firmness, I fully assume it," the minister said
at a press conference on the sidelines of a visit to the migration directorate
of the Yvelines prefecture. "Since the previous circular, issued in
December 2012, many things have changed. And first of all, the law, there have
been several immigration laws that have reformed systems," he explained.
"I wanted to simplify. The Valls circular was 12 pages and 27 criteria,
this new circular is three pages," he said.
Since his
appointment to the Interior portfolio in September by Michel Barnier, a
position he kept with the arrival of François Bayrou at the head of the
government, the former LR senator has made the fight against illegal
immigration one of the main axes of his political action. "This control of
immigration is absolutely fundamental, if we don't do it, we encourage a breath
of fresh air," the tenant of the Place Beauvau hammered again this Friday.
Smoothing
out the framework of exceptional regularisations
Published
in 2012, when Manuel Valls was Minister of the Interior, the Valls circular
lists a series of criteria, mainly overlapping with family or professional
reasons, according to which a foreigner who has entered the territory illegally
can exceptionally apply to the prefect for a residence permit, without creating
an enforceable right to regularisation. As a reminder, a circular does not have
the force of law. These are recommendations addressed by the Ministry to its
administrations in relation to the interpretation of a law or a regulation, in
order to allow a uniform application of the legislation in force on the
national territory.
"The
underlying idea of the Valls circular was already to base exceptional admission
to stay on integration criteria. The law, the Code on the Entry and Residence
of Foreigners and the Right of Asylum (CESEDA), provides for the regularization
of foreigners in an irregular situation, whether through work or family. It is
then up to the Minister of the Interior to set a framework. A framework that is
not enforceable against the prefects," Serge Slama, professor of public
law at the University of Grenoble-Alpes, explained to us in this article.
Turn of
the screw
The Valls
circular recommended in particular to take into account a minimum period of
five years of presence on French soil, a period extended to seven years by the
Retailleau circular. This document also makes a good knowledge of the French
language a central element of the applicant's ability to integrate, when until
now it was only a question of "at least elementary oral mastery",
which was appreciable at the time of submission of the application. "Proof
of a French diploma or a language certification, issued by a duly approved
body, or any other proof of a mastery of the language must be assessed
favourably," reads the new circular.
This
document also insists on respect for public order, i.e. the absence of
convictions, and that of the "principles of the Republic", including
freedom of expression and conscience, equality between women and men, the motto
and symbols of the Republic and secularism. It was the right-wing senators – of
whom Bruno Retailleau was the leader until his appointment to the government –
who made the issuance of a residence permit conditional in the 2024 immigration
law on the signing of a contract adhering to these principles, taking up a list
drawn up by the Council of State.
Bruno
Retailleau asks the prefect that refusals of residence are
"systematically" accompanied by a measure of obligation to leave
French territory, the famous OQTF. While only 7% of these expulsion decisions
are implemented, the Minister of the Interior has committed to developing
cooperation agreements with the countries of departure in order to facilitate
the issuance of consular visas, which are essential for sending undocumented
foreigners back to their countries of origin.
In
addition, the new directives invite prefects to exclude from regularisation
applicants who are already subject to an OQTF. Bruno Retailleau thus intends to
fight against a Kafkaesque phenomenon often denounced on the right of the
political spectrum: some applicants produce before the administration the OQTFs
they have managed to evade as proof of their presence on French soil for a
number of years.
A labour
issue in sectors under pressure
"The
objective is to reduce illegal immigration. […] If we want to reduce this
immigration, especially illegal immigration, we must not regularize it too
quantitatively, otherwise we give a bonus to irregularity, to those who have
defrauded and we make integration or assimilation impossible," the
minister explained earlier in the day on Europe 1. In 2023, the Valls circular
allowed 34,724 people to obtain a residence permit, a stable figure compared to
2022, says the Ministry of the Interior. According to an estimate by Le Figaro,
the new recommendations should reduce this type of regularisation by a third.
"If we gave a figure in advance, we would betray the principle of the
circular, which would then become open to attack," Bruno Retailleau said
on Friday.
In
addition, just over 30% of the residence permits issued on an exceptional basis
by prefects in 2023 were based on professional reasons. The hotel and
restaurant, construction, agriculture, maintenance and personal services
sectors, which are struggling to recruit, are generally the most affected by
these residence permits. If the new criteria are "applied 100%",
"it will be a problem", Frank Delvau, the president of the Union of
Hotel and Restaurant Trades (Umih) of Île-de-France, wanted to warn franceinfo.
"These decisions will deprive them of up to a third of their employees in
the restaurant industry," said the socialist senator for Paris
Marie-Pierre de la Gontrie on the social network X.
The 2024
law provides for updating the list of occupations in shortage for which an
undocumented worker is eligible for a regularisation application. At the
beginning of January, the Minister of Labour, Astrid Panosyan-Bouvet, committed
to publishing this list, in the form of a map taking into account the situation
in each region, by the end of February.
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