EXODE AU
PORTUGAL01 juillet 2014 08:46; Act: 01.07.2014 11:19
Un Portugais quitte son pays
toutes les 5 minutes
Malgré la timide
reprise de l'économie portugaise, les candidats à l'exil sont toujours plus
nombreux parmi les jeunes diplômés, dont des infirmiers, médecins, professeurs
et ingénieurs.
Il y a 40 ans,
ses grands-parents émigraient à Tours en France, où ils ont travaillé comme
employée de maison et menuisier. Joana Miranda, une infirmière de 27 ans,
s'apprête à s'installer, elle, en Allemagne, grâce à un emploi décroché dans
une clinique à Munich. Au Portugal, elle enchaînait des petits boulots dans des
maisons de retraite. «Je gagnais 5 euros bruts de l'heure, sans contrat fixe,
j'arrivais à 500 euros nets par mois. En Allemagne, j'aurai un emploi stable,
avec 2 000 euros nets», raconte-t-elle. Un tiers des 3 500 infirmiers formés
chaque année dans les écoles portugaises émigrent, selon leur ordre
professionnel. À part l'Allemagne, c'est surtout l'Angleterre qui les attire.
L'exode des
Portugais s'est encore accéléré en 2013, quelque 128 000 habitants ont pris le
large pour échapper à la crise. Entre 2011 et 2013, ils étaient plus de 300 000
à chercher leur salut à l'étranger. Lors de la grande vague d'émigration des
années 60, ils fuyaient la dictature de Salazar, la guerre coloniale et la
misère. Aujourd'hui, les Portugais connaissent la démocratie, mais la pauvreté
persiste. «Cet exode inquiétant traduit un manque total de confiance des
Portugais en l'avenir du pays», a commenté Maria Manuela Aguiar, ancienne
secrétaire d’État à l’Émigration. Et la tendance n'est pas près de s'inverser:
«Je ne vois pas d'amélioration, l'hémorragie devrait se poursuivre en 2014 et
2015».
Fuite des
cerveaux
Joana Miranda
figure parmi la dizaine de participants à un cours intensif d'allemand à
l'institut Goethe de Lisbonne, qui a vu le nombre de ses élèves exploser
pendant la crise. L'Allemagne a accueilli 12 000 Portugais depuis 2011, mais la
langue est une barrière difficile à franchir. Expliquer les unités de mesure des
perfusions, s'y retrouver dans les médicaments, s'adresser à un patient qui
sort des soins intensifs... pour l'instant, l'allemand des élèves est encore un
peu hésitant. Mais comme Joana, ils ont déjà tous un contrat de travail en
poche et commenceront le 15 juillet dans une clinique spécialisée en
cardiologie à Munich, qui leur finance des cours d'allemand.
Certaines, comme
Maria Chaves, 29 ans, quittent un emploi stable. Elle gagnait 1 100 euros nets
par mois dans un hôpital à Lisbonne. «Ici, nous n'avons pas d'avenir, pas de
perspective d'avancement», explique la jeune infirmière. Son mari, un
militaire, a démissionné pour la suivre. Les conditions de travail à l'hôpital
se sont dégradées au Portugal, sous l'effet des coupes dans les dépenses de
santé prévues dans le programme de rigueur négocié en 2011 en échange d'un prêt
international de 78 milliards d'euros.
La cure
d'austérité du Portugal a contribué à aggraver la récession et le chômage. Au
printemps 2013, la croissance est revenue et l'emploi a commencé à remonter la
pente. Mais 37,5% des moins de 25 ans n'ont toujours pas de travail. Si la
plupart des jeunes émigrés continuent à exercer les mêmes métiers que leurs
grands-parents (construction, hôtellerie, ménage), environ 20% parmi eux sont
des diplômés hautement qualifiés. «Contrairement aux années 60, le Portugal est
désormais confronté à une fuite des cerveaux. C'est dangereux, on a perdu ceux
dont nous avons besoin pour faire redémarrer l'économie», constate Joao
Peixoto, professeur de sociologie à l'université de Lisbonne. Selon lui, il
faudrait «tenter de faire revenir les jeunes diplômés dès que possible».
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