Suspendu
aux lèvres de Bayrou
By Elisa
Bertholomey
14 mins read
January 14,
2025 7:00 am CET
https://www.politico.eu/newsletter/playbook-paris/suspendu-aux-levres-de-bayrou/
POLITICO
Playbook Paris
Par ELISA
BERTHOLOMEY
Avec SARAH
PAILLOU et ANTHONY LATTIER
POUR LES
GRANDES OCCASIONS. On finirait presque par y prendre goût. A quoi donc ? Pardi,
à ce direct spécial déclaration de politique générale (DPG) que POLITICO
étrenne de nouveau (niveau d’excitation de l’équipe : maximal). Vous pourrez y
suivre, dès 14h30, tout ce qui se passe dans l’hémicycle et dans les couloirs
de l’Assemblée nationale.
Ce mardi 14
janvier 2025 s’annonçant chargé, Playbook vous conseille de prendre tout de
suite un petit café serré — ou une camomille, si vous êtes un dirigeant
socialiste assailli de SMS élyséens (on vous parle de cela à la fin de cette
infolettre). Bon réveil à toutes et tous.
NÉGOCIATIONS
À GAUCHE
HERE WE ARE.
Trois semaines déjà que la rédaction au grand complet — sans parler de la
France — attend de connaître la vision du chef du gouvernement et ses
arbitrages sur les retraites, le budget ou la proportionnelle. Dans un peu
moins de huit heures, François Bayrou montera à la tribune de l’hémicycle de
l’Assemblée nationale et prononcera sa tant attendue déclaration de politique
générale, qui sera lue au même moment par Elisabeth Borne au Sénat (vous a-t-on
parlé de notre direct spécial DPG ? On vous remet le lien au cas où).
Pas
rassasié. On aurait pu croire que, dans l’ultime ligne droite, le suspense
allait légèrement retomber. Pas du tout : jusqu’au dernier moment, la gauche
comme la droite vont tenter le tout pour le tout et mettre la pression sur le
Premier ministre pour grappiller le maximum de points tout en négociant le plus
chèrement possible la non-censure du gouvernement.
Menace rose.
Hier encore, le chemin du compromis semblait bien loin pour le Parti
socialiste. Reçus par Catherine Vautrin et les ministres de Bercy en début
d’après-midi au ministère de la Santé pour parler réforme des retraites, les
représentants du parti à la rose sont sortis furibards. “Le compte n’y est pas.
On reprend peu ou prou le budget de Michel Barnier”, fulminait l’un des
négociateurs dans le téléphone de votre infolettre. Et le même d’avertir : “Il
y aura censure cette semaine si pas de modification”.
Emoji
poisson. Les chefs à plumes socialistes ont donc été reçus dans la soirée par
le Premier ministre. Un rendez-vous censé être discret — il ne figurait pas à
l’agenda de François Bayrou — que Playbook a bien sûr essayé de se faire
raconter. “Je me transforme en carpe tant que la négo est en cours”, nous a
répondu un dirigeant socialiste avant de nous envoyer plusieurs emojis bouche
close pour illustrer le fait qu’il ne nous en dirait pas plus. Quelques minutes
plus tard, le numéro 2 du PS, Pierre Jouvet, affirmait tout de même sur BFMTV
qu’il n’y avait pas eu “d’avancée significative” lors des dernières
tractations.
D’après ce
que Playbook a appris au cœur de la nuit, l’exécutif a pourtant fait un nouveau
pas en direction des socialistes lors de cette réunion en proposant un
calendrier plus ramassé. Dit autrement : si les Roses sont en mesure de trouver
un mode de financement rapidement, le gouvernement serait prêt à revenir sur sa
réforme des retraites plus vite que prévu, nous glissait une source
gouvernementale au fait des négociations. Pourquoi pas dès septembre 2025, date
à laquelle l’âge de départ à la retraite doit normalement être rehaussé de
trois mois supplémentaires ?
Tout bénef’.
Si cette solution était acceptée par le PS, elle aurait le mérite de rendre
caduc le débat sur la suspension de la réforme des retraites. L’exécutif
n’aurait plus besoin d’attendre 2026 pour suspendre la réforme Borne comme cela
était envisagé ce week-end, ainsi que le révélait Le Parisien.
Y’A PAS LE
FEU. A force de se faire des nœuds au cerveau sur le contenu du discours de
François Bayrou et l’éventualité d’un accord de non-censure avec le PS,
certains en venaient presque, hier, à imaginer que le Béarnais tenterait
surtout cet après-midi de… gagner du temps. A quoi bon se presser alors que
Marine Le Pen a la tête ailleurs, et que les députés Rassemblement national ne
devraient pas voter la motion de censure de La France insoumise, ni en déposer
une — sauf annonce surprise du PM qui les ulcèrerait au point de les faire
changer d’avis.
À vos
bouliers. Le Premier ministre n’aurait donc pas besoin, en théorie, de
s’enquiquiner à multiplier les gages à l’égard de la gauche non mélenchoniste
dès aujourd’hui. “Il peut tout à fait ne rien annoncer sur les retraites et
dire que les discussions ne sont pas terminées et vont continuer jusqu’au
budget”, supputait une ministre avec qui Playbook partageait son déjeuner.
Quand c’est
flou… Cette théorie avait le vent en poupe hier soir. “Il ne faut pas exclure
qu’il ait une capacité à tracer un chemin sans en préciser tous les contours”,
s’amusait un pilier du Palais Bourbon qui imaginait tout à fait Bayrou
“rassurer les deux côtés de l’hémicycle sans être d’une extrême précision”. Et
ce connaisseur du MoDem de s’en tirer d’une boutade : “Ça pourrait lui
ressembler, il est centriste”, souriait-il.
NÉGOCIATIONS
À DROITE
EN RETRAIT.
A droite, Laurent Wauquiez essaye lui aussi de peser. N’ayant eu aucun contact
avec François Bayrou depuis l’annonce du gouvernement, le chef de file des
députés LR a haussé le ton dimanche dans Le Parisien pour que la balance ne
penche pas trop à gauche. S’il exclut de soutenir de nouvelles hausses d’impôts
dans le futur budget, il critique aussi une éventuelle suspension des
retraites.
En renfort.
Hier, c’est l’un des hommes forts du gouvernement qui lui a donné un coup de
main dans son combat contre “la ruine” de la France. En déplacement au Havre,
aux côtés d’Edouard Philippe, Bruno Retailleau a réaffirmé son soutien à la
réforme des retraites et à l’âge de départ fixé à 64 ans. “Je rappelle ma
conviction, la position que j’ai toujours eue, et je ne suis pas un homme à en
changer”, a-t-il martelé.
Moyen de
pression. Si Les Républicains “ont bien conscience d’être dans un gouvernement
de coalition”, selon un cadre du parti, ils n’ont pas pour autant l’intention
de se laisser marcher sur les pieds. “Bayrou considère, à tort, que la
participation de Retailleau est acquise et que la droite suivra”, analysait
hier notre homme, qui laissait planer la menace d’un départ du ministre de
l’Intérieur — le ministre le plus populaire du gouvernement — et de ses
collègues de LR “si on leur demande d’être solidaire d’un truc qu’ils
n’acceptent pas”.
Mouif. Un
raisonnement nuancé par un bon connaisseur de la droite qui s’en ouvrait ainsi
à votre infolettre dans la soirée : “Tu ne quittes jamais le ministère de
l’Intérieur de toi-même. Retailleau joue sa partition et elle ne se joue que
dans le gouvernement”.
Il n’empêche
: au-delà de la volonté des ministres LR de quitter ou non leur poste, les
marges de manœuvre de la droite pour peser sur le discours de politique
générale de Bayrou sont limitées. Notamment parce que défendre mordicus la
réforme des retraites (comme le fait Gérard Larcher au Sénat) est plus
difficile pour les LR de l’Assemblée.
Pour ceux
qui ont oublié, rappelons qu’une partie des députés s’étaient opposée au texte
porté par Elisabeth Borne. Et même, 19 d’entre eux avaient voté la censure du
gouvernement Borne, notamment Isabelle Valentin, dont le suppléant était un
certain Laurent Wauquiez. Celui-ci s’était d’ailleurs montré très silencieux à
l’époque — ce qui lui avait reproché en interne.
Pas ma
guerre. “Qu’on remette cette réforme sur la table, ça me va très bien” assumait
l’un des frondeurs de 2023, au téléphone avec Playbook, hier. Il estimait que
c’était, pour les LR, “se tirer une balle dans le pied” que de vouloir empêcher
la suspension d’une “réforme aussi impopulaire”.
PENDANT CE
TEMPS-LÀ. Voilà une scène qui, c’est le moins qu’on puisse dire, n’est pas
passée inaperçue chez LR. Tandis que les négociations se poursuivaient à
Matignon, à la veille d’une journée cruciale pour le gouvernement, Retailleau
assurait son SAV hier soir face aux jeunes LR. Le ministre a justifié sa
participation au gouvernement (“Quand on est gaulliste, on ne fuit pas ses
responsabilités”) tout en jurant ne pas “trahir ses convictions”.
VU DE
L’ÉLYSÉE
SOUS
SURVEILLANCE. Depuis l’Elysée, Emmanuel Macron garde un œil avisé sur les
négociations autour de la DPG. “Il se rencarde pour voir si Bayrou ne va pas
aller trop loin”, soufflait un familier du Palais avec qui votre infolettre
conversait dans la soirée. D’après un cadre macroniste, les échanges sont
nombreux entre le PR et le PM — ce dernier devait d’ailleurs voir le chef de
l’Etat hier après son rendez-vous avec les socialistes.
Obsessions.
Deux sujets sont l’objet de toutes les attentions présidentielles : les
retraites, bien sûr, et les agriculteurs. “Il a fait demander sur ce que font
Genevard et Haddad” [la ministre de l’Agriculture et le ministre de l’Europe],
ajoutait notre interlocuteur.
L’appel d’un
ami. Pensait-il donner un coup de main ? Des échanges — que d’aucuns
qualifieraient de coup de pression — ont eu lieu, ces derniers jours, entre
l’Elysée et des dirigeants socialistes, a appris Playbook. Si le chef de l’Etat
n’a pas pris son téléphone lui-même, cela s’est fait “sur ses encouragements”,
euphémisait une source ayant ses entrées au Palais.
Dans les
messages, en substance, cet avertissement : “Vous êtes juste en train de vous
sortir des griffes de Mélenchon, ce n’est pas le moment de vous y remettre”. Ou
bien cette supplica… pardon, cette recommandation : “Soyez aidants, ne faites
pas les cons”.
Sem comentários:
Enviar um comentário