sábado, 1 de julho de 2023

Beauvau bâille, nouvelle nuit d’émeutes

 


Beauvau bâille, nouvelle nuit d’émeutes

BY ELISA BERTHOLOMEY

JUNE 30, 2023 7:04 AM CET

https://www.politico.eu/newsletter/playbook-paris/beauvau-baille-troisieme-nuit-demeutes/

Playbook Paris

Par ELISA BERTHOLOMEY

 

Bonjour à toutes et à tous, bon réveil, nous sommes vendredi 30 juin 2023. Pas le temps de souffler. Après une nouvelle nuit passée à “suivre de très près”, dans les mots de son cabinet, les événements de la nuit (on vous en parle plus bas), Gérald Darmanin participera ce matin à un comité interministériel des villes organisé à Matignon. Le ministre a aussi prévu, cela va sans dire, de passer tout son week-end à suivre l’évolution de la situation dans les quartiers.

 

Grosse fatigue. La crise tombe particulièrement mal pour lui. A en croire plusieurs de ses interlocuteurs récents, Darmanin — qui s’est dernièrement déplacé à Nouméa, à Mayotte ou encore à Marseille avec le président — accuserait ces temps-ci une petite baisse de régime. Sa prise de parole un peu bafouillante, mardi, à l’Assemblée nationale, a d’ailleurs intrigué. “Je le trouve très fatigué”, nous glissait ainsi hier un parlementaire Renaissance. “J’ai l’impression qu’il a besoin de vacances”, commentait encore un autre député qui le connaît bien.

 

Ça va bien se passer. Place Beauvau, on dément tout coup de mou : “Il tient bon et est pleinement mobilisé”, nous assurait l’un des conseillers du ministre hier au téléphone, évoquant toutefois “le long tunnel dans lequel il est depuis mardi”. Sans compter ses rendez-vous consacrés à mitonner de la future loi immigration, ces dernières semaines, et bien sûr l’énergie dépensée à se préparer à un éventuel remaniement…

 

NUIT DE VIOLENCES

ATHENANTERRE. Emmanuel Macron a passé la soirée et la nuit à Bruxelles où il assistait au conseil européen, loin des bangs et des boums qui ont entrecoupé votre sommeil suite à la mort de Nahel, 17 ans, dont les obsèques auront lieu demain à Nanterre. Le chef de l’Etat regagnera Paris en fin de matinée et présidera une cellule interministérielle de crise à 13 heures, a appris Playbook aux (très) petites heures du matin. Le président a bien sûr été “tenu informé très précisément des événements”, nous écrivait l’un de ses conseillers.

 

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Si vis pacem. Un important dispositif d’ordre avait été mobilisé par le ministère de l’Intérieur pour tenter de juguler la colère des émeutiers. Tout de même 40 000 policiers et gendarmes ont été déployés (soit quatre fois plus que mercredi soir), ainsi que 29 hélicoptères pour surveiller les zones sensibles. La BRI, le Raid et le GIGN ont été appelés en renfort des forces de l’ordre.

 

Loupé. Pour la troisième nuit consécutive, des émeutes ont pourtant eu lieu dans plusieurs villes de France : Paris (attention, transports perturbés ce matin), Roubaix où des bâtiments ont été réduits en cendres, Lyon, Lille, Marseille et même de l’autre côté des Ardennes, à Bruxelles. Selon BFM, 421 personnes avaient été interpellées à 3 heures du matin, dont 242 en Ile-de-France. Le ministre de l’Intérieur a suivi la situation depuis son ministère, passant une tête, au beau milieu de la nuit, au centre de commandement de la Police nationale selon BFMTV.

 

LES VILLES À VARENNE. Le gouvernement tentera d’apporter ce matin une réponse plus structurelle à cette crise. Une quinzaine de ministres participera bien à un comité interministériel des villes (CIV), présidé par Elisabeth Borne. Alors qu’il devait se tenir à Chanteloup-les-Vignes, en banlieue parisienne, il a été rapatrié à Matignon, compte tenu des événements récents — l’exécutif avait un temps envisagé de l’annuler, comme Playbook vous le contait hier.

 

Non mais allô. Un brief téléphonique a tout de même été organisé pour les journalistes en début de soirée hier. Signe que le sujet est sensible, il a été introduit par Aurélien Rousseau, officiellement futur ex-directeur de cabinet de la Première ministre, alors que cela n’était pas prévu initialement. Ce CIV n’est “pas une réaction aux événements”, a-t-il assuré, convenant cependant que “cela a du sens de le faire dans ce moment-là”.

 

Qui vivra verra. Reste que Matignon était bien en peine hier de s’avancer sur l’issue de ce CIV : sera-t-il une réponse stricte aux événements des derniers jours ? Une déclinaison des annonces du président en début de semaine à Marseille via des réformes à plus long terme ? “On reste évasif, car pour discuter de fond, il faut que le cadre de dialogue soit rétabli, qu’il y ait une sérénité des débats” bottait en touche l’un des conseillers de la Première ministre, préférant attendre le bilan de la nuit avant de se prononcer.

 

À QUAND LES JOURS HEUREUX. C’est là toute la question : combien de temps ces violences vont-elles durer, et comment en sortir ? Alors que le souvenir des émeutes de 2005 est encore dans toutes les têtes, personne au sein du gouvernement et de la majorité ne se risquait hier à s’avancer sur l’issue de cette crise. “Le test, ce sera à partir du début de semaine prochaine”, tentait d’anticiper une députée Renaissance à l’heure du déjeuner, craignant que cela ne se poursuive après le week-end.

 

Numéro de funambule. Toute la journée, l’exécutif a semblé marché sur un fil entre discours de fermeté face aux violences, nécessaire appel à l’apaisement et volonté de montrer qu’il ne reste pas sans agir. Avant de s’envoler pour Bruxelles, Emmanuel Macron a ainsi convoqué — sous l’œil des caméras et de la photographe de l’Elysée — une cellule de crise à Beauvau, et passé quelques consignes à ses ministres.

 

Les prioritaires. Les déplacements “non indispensables” ont été annulés. Seuls ont été autorisés ceux en lien avec les récents événements : Elisabeth Borne, Olivier Klein, Gérald Darmanin et Eric Dupond-Moretti se sont ainsi déployés dans le Val-d’Oise, dans le Nord ou à la prison de Fresnes.

 

Les potiches hors service. Une hyper centralisation de la communication qui faisait grincer les dents d’une ministre hier, vexée de ne pas être associée à ces déplacements, alors que son portefeuille est lié à la problématique des quartiers. “On sort toujours les gros bonhommes dans ces cas-là, mais les femmes aussi ont leur rôle à jouer dans la crise”, rageait-elle auprès de votre infolettre en début de soirée.

 

À CHACUN SA RÉCUP’. Les oppositions n’ont pas manqué de réagir aux divers événements. Eric Ciotti et Eric Zemmour ont appelé à la mise en place de l’état d’urgence dans certains quartiers ou sur tout le territoire — deux demandes rejetées par Elisabeth Borne. Marine Le Pen est restée plus discrète, et a seulement critiqué “les lâchetés et les compromissions”. Le patron de Reconquête — qui est l’invité d’Europe 1 ce matin — en a remis une couche en fin de journée, en affichant sur son compte Twitter (et face caméra) son soutien à une soi-disant “majorité silencieuse” contre “la sauvagerie de ceux qui nous détestent”.

 

La gauche a, quant à elle, elle fustigé les violences policières, Jean-Luc Mélenchon accusant Gérald Darmanin de se “défausser de ses responsabilités”. Certains Insoumis ont refusé d’appeler au calme après les émeutes, se contentant de réclamer “la justice” et embarrassant par-là certains de leurs partenaires de la Nupes. L’un de leurs camarades communistes, off the record, s’épanchait ainsi auprès de votre infolettre : “Leur position ne sera pas tenable. C’est une chose que Mélenchon, depuis son appartement du 10ème, refuse d’appeler au calme. Mais que disent [Mathilde] Panot et [Alexis] Corbière, localement, ce matin ? Ils ont désormais des députés sur ces territoires…”.

 

L’ordre de Darmanin. Consigne a en tout cas été passée dans la majorité de pilonner les positions des Insoumis. Dans un message envoyé dans la boucle des députés Renaissance, et que Playbook a pu consulter, Gérald Darmanin en personne a invité les parlementaires à “attaquer la Nupes”, ceux-là mêmes qui “n’appellent pas au calme”. Ils “portent une lourde responsabilité dans les événements qui surviennent”, écrit encore le ministre.

 

Revue de presse. Le déroulé de ces derniers jours a été largement documenté par mes confrères ce matin. À retrouver dans Libération, Le Figaro, L’Opinion ou Le Parisien.

 

FIN DES CENT JOURS

UN REMANIEMENT ? QUEL REMANIEMENT ? Dans un tel contexte, alors que les “cent jours d’apaisement, d’unité, d’ambition et d’action” voulus par Emmanuel Macron approchent de la fin, toucher au dispositif politique et remanier serait “risqué” selon une cadre de la majorité, avec qui Playbook échangeait hier.

 

L’avis de l’Ex. Un homme plaide, en tout cas pour l’instant, pour le statu quo : Jean Castex. Selon les informations recueillies par votre infolettre, l’ancien Premier ministre serait favorable à ce que Elisabeth Borne et ses ministres restent en poste quelque temps. “Il faut les remettre au travail”, conseille-t-il avec insistance en privé.

 

CADRAGE. Pour d’autres, l’important est que la situation du gouvernement et a fortiori celle de la Première ministre soient rapidement clarifiées. Et pour cause : Bercy est actuellement en pleine préparation du budget pour 2024. Les lettres de cadrage — les documents imposant une limite de dépenses au budget des ministères — s’apprêtent même à être envoyées.

 

Problème : l’incertitude autour du sort du gouvernement ne facilite pas les projections. “Il est difficile d’imposer des économies à tout le monde quand tu ne sais pas si tu es encore là dans trois semaines”, grinçait un ministre de Bercy mercredi. Le même ne cachait pas son impatience à voir la situation politique éclaircie, dans un sens ou dans l’autre : “J’ai du mal à imaginer que les lettres de cadrage partent avec une Première ministre en point d’interrogation…” soupirait-il.

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