Beauvau bâille, nouvelle nuit d’émeutes
BY ELISA
BERTHOLOMEY
JUNE 30,
2023 7:04 AM CET
https://www.politico.eu/newsletter/playbook-paris/beauvau-baille-troisieme-nuit-demeutes/
Playbook
Paris
Par ELISA
BERTHOLOMEY
Bonjour à toutes
et à tous, bon réveil, nous sommes vendredi 30 juin 2023. Pas le temps de
souffler. Après une nouvelle nuit passée à “suivre de très près”, dans les mots
de son cabinet, les événements de la nuit (on vous en parle plus bas), Gérald
Darmanin participera ce matin à un comité interministériel des villes organisé
à Matignon. Le ministre a aussi prévu, cela va sans dire, de passer tout son
week-end à suivre l’évolution de la situation dans les quartiers.
Grosse fatigue.
La crise tombe particulièrement mal pour lui. A en croire plusieurs de ses
interlocuteurs récents, Darmanin — qui s’est dernièrement déplacé à Nouméa, à
Mayotte ou encore à Marseille avec le président — accuserait ces temps-ci une
petite baisse de régime. Sa prise de parole un peu bafouillante, mardi, à
l’Assemblée nationale, a d’ailleurs intrigué. “Je le trouve très fatigué”, nous
glissait ainsi hier un parlementaire Renaissance. “J’ai l’impression qu’il a
besoin de vacances”, commentait encore un autre député qui le connaît bien.
Ça va bien se
passer. Place Beauvau, on dément tout coup de mou : “Il tient bon et est
pleinement mobilisé”, nous assurait l’un des conseillers du ministre hier au
téléphone, évoquant toutefois “le long tunnel dans lequel il est depuis mardi”.
Sans compter ses rendez-vous consacrés à mitonner de la future loi immigration,
ces dernières semaines, et bien sûr l’énergie dépensée à se préparer à un
éventuel remaniement…
NUIT DE VIOLENCES
ATHENANTERRE.
Emmanuel Macron a passé la soirée et la nuit à Bruxelles où il assistait au
conseil européen, loin des bangs et des boums qui ont entrecoupé votre sommeil
suite à la mort de Nahel, 17 ans, dont les obsèques auront lieu demain à
Nanterre. Le chef de l’Etat regagnera Paris en fin de matinée et présidera une
cellule interministérielle de crise à 13 heures, a appris Playbook aux (très)
petites heures du matin. Le président a bien sûr été “tenu informé très
précisément des événements”, nous écrivait l’un de ses conseillers.
**Un message de
Meta : Les outils pour la famille d’Instagram permettent aux parents d’aider
leurs ados à utiliser l’application de façon sûre. Les Comptes privés par
défaut, la Limite quotidienne de temps et les outils de supervision
fonctionnent ensemble pour aider les ados de moins de 18 ans à naviguer
raisonnablement sur Instagram.**
Si vis pacem. Un
important dispositif d’ordre avait été mobilisé par le ministère de l’Intérieur
pour tenter de juguler la colère des émeutiers. Tout de même 40 000 policiers
et gendarmes ont été déployés (soit quatre fois plus que mercredi soir), ainsi
que 29 hélicoptères pour surveiller les zones sensibles. La BRI, le Raid et le
GIGN ont été appelés en renfort des forces de l’ordre.
Loupé. Pour la
troisième nuit consécutive, des émeutes ont pourtant eu lieu dans plusieurs
villes de France : Paris (attention, transports perturbés ce matin), Roubaix où
des bâtiments ont été réduits en cendres, Lyon, Lille, Marseille et même de
l’autre côté des Ardennes, à Bruxelles. Selon BFM, 421 personnes avaient été
interpellées à 3 heures du matin, dont 242 en Ile-de-France. Le ministre de
l’Intérieur a suivi la situation depuis son ministère, passant une tête, au
beau milieu de la nuit, au centre de commandement de la Police nationale selon
BFMTV.
LES VILLES
À VARENNE. Le gouvernement tentera d’apporter ce matin une réponse plus
structurelle à cette crise. Une
quinzaine de ministres participera bien à un comité interministériel des villes
(CIV), présidé par Elisabeth Borne. Alors qu’il devait se tenir à
Chanteloup-les-Vignes, en banlieue parisienne, il a été rapatrié à Matignon,
compte tenu des événements récents — l’exécutif avait un temps envisagé de
l’annuler, comme Playbook vous le contait hier.
Non mais allô. Un
brief téléphonique a tout de même été organisé pour les journalistes en début
de soirée hier. Signe que le sujet est sensible, il a été introduit par
Aurélien Rousseau, officiellement futur ex-directeur de cabinet de la Première
ministre, alors que cela n’était pas prévu initialement. Ce CIV n’est “pas une
réaction aux événements”, a-t-il assuré, convenant cependant que “cela a du
sens de le faire dans ce moment-là”.
Qui vivra verra.
Reste que Matignon était bien en peine hier de s’avancer sur l’issue de ce CIV
: sera-t-il une réponse stricte aux événements des derniers jours ? Une
déclinaison des annonces du président en début de semaine à Marseille via des
réformes à plus long terme ? “On reste évasif, car pour discuter de fond, il
faut que le cadre de dialogue soit rétabli, qu’il y ait une sérénité des
débats” bottait en touche l’un des conseillers de la Première ministre,
préférant attendre le bilan de la nuit avant de se prononcer.
À QUAND LES JOURS
HEUREUX. C’est là toute la question : combien de temps ces violences vont-elles
durer, et comment en sortir ? Alors que le souvenir des émeutes de 2005 est
encore dans toutes les têtes, personne au sein du gouvernement et de la
majorité ne se risquait hier à s’avancer sur l’issue de cette crise. “Le test,
ce sera à partir du début de semaine prochaine”, tentait d’anticiper une
députée Renaissance à l’heure du déjeuner, craignant que cela ne se poursuive
après le week-end.
Numéro de
funambule. Toute la journée, l’exécutif a semblé marché sur un fil entre
discours de fermeté face aux violences, nécessaire appel à l’apaisement et
volonté de montrer qu’il ne reste pas sans agir. Avant de s’envoler pour
Bruxelles, Emmanuel Macron a ainsi convoqué — sous l’œil des caméras et de la
photographe de l’Elysée — une cellule de crise à Beauvau, et passé quelques
consignes à ses ministres.
Les prioritaires.
Les déplacements “non indispensables” ont été annulés. Seuls ont été autorisés
ceux en lien avec les récents événements : Elisabeth Borne, Olivier Klein,
Gérald Darmanin et Eric Dupond-Moretti se sont ainsi déployés dans le
Val-d’Oise, dans le Nord ou à la prison de Fresnes.
Les potiches hors
service. Une hyper centralisation de la communication qui faisait grincer les
dents d’une ministre hier, vexée de ne pas être associée à ces déplacements,
alors que son portefeuille est lié à la problématique des quartiers. “On sort
toujours les gros bonhommes dans ces cas-là, mais les femmes aussi ont leur
rôle à jouer dans la crise”, rageait-elle auprès de votre infolettre en début
de soirée.
À CHACUN SA
RÉCUP’. Les oppositions n’ont pas manqué de réagir aux divers événements. Eric
Ciotti et Eric Zemmour ont appelé à la mise en place de l’état d’urgence dans
certains quartiers ou sur tout le territoire — deux demandes rejetées par
Elisabeth Borne. Marine Le Pen est restée plus discrète, et a seulement
critiqué “les lâchetés et les compromissions”. Le patron de Reconquête — qui
est l’invité d’Europe 1 ce matin — en a remis une couche en fin de journée, en
affichant sur son compte Twitter (et face caméra) son soutien à une soi-disant
“majorité silencieuse” contre “la sauvagerie de ceux qui nous détestent”.
La gauche a,
quant à elle, elle fustigé les violences policières, Jean-Luc Mélenchon
accusant Gérald Darmanin de se “défausser de ses responsabilités”. Certains
Insoumis ont refusé d’appeler au calme après les émeutes, se contentant de
réclamer “la justice” et embarrassant par-là certains de leurs partenaires de
la Nupes. L’un de leurs camarades communistes, off the record, s’épanchait
ainsi auprès de votre infolettre : “Leur position ne sera pas tenable. C’est une chose que Mélenchon,
depuis son appartement du 10ème, refuse d’appeler au calme. Mais que disent [Mathilde] Panot et
[Alexis] Corbière, localement, ce matin ? Ils ont désormais des députés sur ces
territoires…”.
L’ordre de
Darmanin. Consigne a en tout cas été passée dans la majorité de pilonner les
positions des Insoumis. Dans un message envoyé dans la boucle des députés
Renaissance, et que Playbook a pu consulter, Gérald Darmanin en personne a
invité les parlementaires à “attaquer la Nupes”, ceux-là mêmes qui “n’appellent
pas au calme”. Ils “portent une lourde responsabilité dans les événements qui
surviennent”, écrit encore le ministre.
Revue de presse.
Le déroulé de ces derniers jours a été largement documenté par mes confrères ce
matin. À retrouver dans Libération, Le Figaro, L’Opinion ou Le Parisien.
FIN DES
CENT JOURS
UN
REMANIEMENT ? QUEL REMANIEMENT ? Dans un tel contexte, alors que les “cent
jours d’apaisement, d’unité, d’ambition et d’action” voulus par Emmanuel Macron
approchent de la fin, toucher au dispositif politique et remanier serait
“risqué” selon une cadre de la majorité, avec qui Playbook échangeait hier.
L’avis de
l’Ex. Un homme plaide, en tout cas pour l’instant, pour le statu quo : Jean
Castex. Selon les informations recueillies par votre infolettre, l’ancien
Premier ministre serait favorable à ce que Elisabeth Borne et ses ministres
restent en poste quelque temps. “Il faut les remettre au travail”,
conseille-t-il avec insistance en privé.
CADRAGE.
Pour d’autres, l’important est que la situation du gouvernement et a fortiori
celle de la Première ministre soient rapidement clarifiées. Et pour cause :
Bercy est actuellement en pleine préparation du budget pour 2024. Les lettres
de cadrage — les documents imposant une limite de dépenses au budget des
ministères — s’apprêtent même à être envoyées.
Problème :
l’incertitude autour du sort du gouvernement ne facilite pas les projections.
“Il est difficile d’imposer des économies à tout le monde quand tu ne sais pas
si tu es encore là dans trois semaines”, grinçait un ministre de Bercy
mercredi. Le même ne cachait pas son impatience à voir la situation politique
éclaircie, dans un sens ou dans l’autre : “J’ai du mal à imaginer que les
lettres de cadrage partent avec une Première ministre en point
d’interrogation…” soupirait-il.
Sem comentários:
Enviar um comentário