Christophe
Guilluy: «Le vote FN est devenu un vote de classe»
Jean-Laurent Cassely
France 26.03.2015 - 12 h 41 mis à jour le 26.03.2015 à 12 h 42
Le géographe
revient pour Slate et la Fondation Jean-Jaurès sur son ouvrage «La
France périphérique» et livre son analyse du premier tour des
élections départementales.
A l'occasion de
notre rendez-vous «La cité des livres», organisé en partenariat
avec la Fondation Jean-Jaurès, nous avons demandé au géographe
Christophe Guilluy, auteur du très remarqué La France périphérique,
de soumettre le premier tour des élections départementales à sa
grille de lecture du territoire français et à sa thèse d'une mise
à l'écart économique et politique des classes populaires.
Christophe Guilluy
voit dans les résultats du premier tour une confirmation d'un
clivage qui n'oppose plus vraiment urbains et ruraux, mais électeurs
intégrés aux zones dynamiques du territoire et «France des
fragilités sociales», laquelle prend des formes multiples:
«Aujourd'hui, le
vote Front national émerge précisément sur ces territoires de la
France périphérique, avec des bastions qui sont toujours le Nord,
l'Est, le pourtour méditerranéen, mais on voit bien, quand on zoome
sur des régions et des départements, que la logique est exactement
la même à chaque fois: c'est à dire que la dynamique FN part des
petites villes, des zones rurales, des villes moyennes, et en tout
cas à chaque fois des zones économiques les moins actives, qui
créent le moins d'emplois.
Ce sont les
territoires qui sont les plus éloignés des grandes métropoles, des
grandes villes actives. Il y a là une vrai logique sociologique et
politique, ce n'est pas un hasard si le vote FN est devenu un vote de
classe, avec d'ailleurs une sociologie de gauche...»
Comme nous l'avons
montré par ailleurs sur les cartes du vote FN au premier tour dans
le sud et le nord de la France, la progression a concerné cette fois
des zones parfois plus aisées. Mais est-ce le signe que les
territoires les plus périphériques ont en quelque sorte fait «le
plein» de voix FN, et que la répartition de ce vote a tendance à
se lisser sur le territoire? Pas si on suit l'analyse de Guilluy: «Il
faut bien comprendre que le vote FN vient capter une partie des voix
de ces milieux populaires qui se sont désaffiliées.» Une partie
seulement, si on prend en compte l'abstention de près d'un électeur
sur deux. Les catégories supérieures et les personnes âgées, qui
votent plus, ont selon lui profité aux grands partis et permis de
sauver l'UMP:
«La marge de
progression [du FN] est encore importante: ne pas oublier que le
profil des abstentionnistes est celui des catégories populaires, on
retrouve bien la sociologie du vote Front national.»
Le géographe se dit
surpris que les 25% obtenus par le parti soient pafois minimisés:
«Pour les
prochaines élections, et notamment la présidentielle, où on voit
bien qu'il y a une mobilisation supérieure des catégories
populaires, cette mobilisation bénéficiera mécaniquement au FN.
C'est pour ça que quand on se “satisfait” d'un FN à 25%, je
pense que c'est vraiment jouer avec le feu.»
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