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Playbook
Paris
Les
promeneurs du champ de mines
By
Anthony Lattier
14 mins
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October
7, 2025 7:00 am CET
https://www.politico.eu/newsletter/playbook-paris/les-promeneurs-du-champ-de-mines/
Playbook
Paris
Par
ANTHONY LATTIER
Avec
ELISA BERTHOLOMEY et SARAH PAILLOU
DANS
L’OEIL DU CYCLONE. Il fallait le voir, “très souriant et professionnel”, ne
faisant “absolument aucune référence à l’actualité”. Un participant à la petite
sauterie élyséenne d’hier après-midi a été surpris par la placidité d’Emmanuel
Macron et l’a rapporté à mon collègue Paul de Villepin. Le chef de l’Etat
présidait alors une cérémonie de remise de Légion d’honneur à plusieurs
personnalités, dont les économistes Philippe Aghion et Jean Tirole.
Rêverie
d’un promeneur solitaire. “On n’aurait vraiment pas pu dire qu’il se passait
tout ce qu’on lit par ailleurs”, observait notre interlocuteur. Un peu la même
impression que beaucoup ont eue en découvrant, plus tôt dans la journée, les
images de la déambulation solitaire d’Emmanuel Macron sur les quais de Seine,
peu après la démission surprise de son Premier ministre quatorze heures après
la nomination de son gouvernement.
Tour
d’ivoire pour y croire. Il faut vous le dire : cela peut sembler difficilement
concevable, mais le chef de l’Etat “croit” toujours qu’il est encore possible
de retourner la situation et de sortir par le haut de la crise politique dans
laquelle la France s’est enfoncée toujours un peu plus hier. C’est ce que nous
rapportaient plusieurs proches du président au téléphone. “Il pense qu’il faut
aller au bout du bout du bout du truc et qu’à un moment le PS et les LR diront
: ‘on revient [à la table des discussions]’”, assurait l’un d’eux.
Bonjour à
tous, nous sommes mardi 7 octobre 2025, sans doute pas encore au bout du bout
du bout du truc, mais quand même pas très loin. Bon réveil.
ULTIMES
NÉGOCIATIONS
ÇA VA
MARCHER BEAUCOUP MOINS BIEN. Le chef de l’Etat a donné 48 heures pour trouver,
à travers des discussions menées par le sortant Sébastien Lecornu, une
hypothétique “plateforme d’action et de stabilité”. Et il a prévenu : il
prendra “ses responsabilités” en cas d’échec. Une menace volontairement vague
et néanmoins largement interprétée comme un coup de pression à l’endroit des
députés pour leur faire comprendre qu’ils risquaient de voir leur mandat remis
en jeu par une nouvelle dissolution. Ce que ne démentait pas franchement
l’Elysée hier soir : “tout est ouvert”, nous pianotait l’un des conseillers du
président.
P’tet
bien que non. C’est avec cette épée de Damoclès que Sébastien Lecornu a donc
entamé hier ses “ultimes négociations”. Avec quelles intentions ? Celles de se
remettre en selle pour Matignon ? Ou celles de trouver un compromis pour son
éventuel successeur ? Si l’idée qu’il ne “souhaitait” pas être à nouveau nommé
était avancée par plusieurs confrères, Matignon ne la confirmait, ni ne la
démentait, hier soir. En revanche, plusieurs proches de l’Eurois nuançaient et
invitaient à peser chaque mot : le Premier ministre n’a pas dit qu’il ne
voulait pas rempiler à coup sûr.
Décryptage
fourni par un cadre macroniste : l’usage du verbe “souhaiter” serait une
manière de bien faire comprendre que Lecornu ne considérait pas sa
re-nomination comme acquise, en cas d’accord.
IMPLOSE
TA CHANCE. Pas sûr, en tout cas, que la menace d’une dissolution suffise à
faire rentrer tout le monde dans le rang. Alors que le chef du gouvernement
démissionnaire comptait, pour relancer rapidement la machine, sur la réunion
prévue ce matin à 9 heures à Matignon avec les présidents des deux Chambres,
Gérard Larcher et Yaël Braun-Pivet, et les chefs des partis du socle commun, la
liste des présents s’est réduite au fil de la soirée.
Soco et
ses frères. La participation de Gabriel Attal pour Renaissance et de Marc
Fesneau pour le MoDem nous a été confirmée hier, par le biais de leurs
entourages. En revanche, Bruno Retailleau n’ira pas et a demandé d’être traité
de manière “bilatérale” par le Premier ministre démissionnaire. “Le socle
commun a explosé. Ça n’a pas de sens de faire comme s’il existait encore”,
justifiait un conseiller LR, joint hier soir.
Dominos.
Dans la foulée, plusieurs sources nous ont indiqué qu’Edouard Philippe jugeait
qu’en l’absence de Retailleau, la réunion n’avait plus grand intérêt et qu’il
envisageait de la sécher, lui aussi.
Il faut
dire que, d’après un stratège du bloc central, le président d’Horizons est
particulièrement sous pression : une partie de ses troupes réclame que Philippe
profite du moment pour “se distinguer” franchement, ce que quelques-uns lui ont
fait de nouveau comprendre lors d’une réunion interne hier. “De plus en plus de
gens en ont marre et le poussent à se débarrasser de Macron”, nous racontait
notre source.
Aoutch.
Edouard Philippe le fera-t-il ce matin sur RTL où il est invité à 8h15 ? En
tout cas, en la matière, Gabriel Attal a pris une longueur d’avance sur le
plateau de TF1, hier : le patron de Renaissance, tout à sa volonté de
“rupture”, a déclaré “ne plus comprendre les décisions” d’Emmanuel Macron, qui
donne l’impression, à ses yeux, de “s’acharner à vouloir garder la main”.
La cerise
sur le chaos. Pour couronner le tout, sachez qu’il n’est pas sûr non plus
qu’Hervé Marseille, le patron de l’UDI — qui a “repris sa liberté” dimanche
soir — se pointe à Matignon “si Retailleau et Philippe n’y vont pas”, nous
écrivait notre source précitée.
À QUI LA
FAUTE ? Vous l’imaginez : les relations se sont franchement rafraîchies entre
Matignon et Beauvau depuis dimanche. Hier, des proches du Premier ministre
faisaient savoir que sa démission était “exclusivement à cause” de Bruno
Retailleau, nous disait notamment un soutien du Normand. Notre interlocuteur
décrivait un chef de LR “cornérisé” en interne par Laurent Wauquiez (qui
s’était opposé dès dimanche après-midi à une participation au gouvernement),
lui-même qualifié d’“agent de déstabilisation”.
Contre-récit.
A l’évidence sous pression de ses troupes et de sa base, Bruno Retailleau a lui
aussi passé sa journée à justifier sa prise de position. Il y avait “un
problème de confiance” avec Sébastien Lecornu, a-t-il fustigé sur le plateau du
JT de 13 heures de TF1, en référence au fait que le Premier ministre
démissionnaire ne l’a pas prévenu de la future nomination de Bruno Le Maire
(honni par les LR pour avoir accru la dette) lorsqu’ils se sont vus dimanche en
fin d’après-midi.
Justifications.
A entendre le patron des Républicains, le gouvernement Lecornu était de toute
façon presque déjà mort-né. “J’étais convaincu que ce gouvernement ne volerait
pas bien”, insistait-il en privé dans l’après-midi, critiquant “le
resserrement” de l’équipe, la “déconnexion” des macronistes et le “recyclage”
de ceux “qui se sont autant trompés dans cette période”.
Ne pas
insulter l’avenir. Si le coup de gueule est sonore, le ministre démissionnaire
de l’Intérieur n’enterre pas pour autant totalement le socle commun. “Il est
très fragile”, convenait-il, “mais je ne dis pas que je n’y crois plus”.
Pourrait-il être dirigé par un LR, Gérard Larcher par exemple ou lui-même ?
“C’est le président de la République qui a les clefs”, se bornait-il à
répondre, excluant officiellement toute ambition personnelle par crainte “que
l’on croit que j’ai fait tout ça pour moi”.
LES
INTÉRIMAIRES. Sans Bruno Retailleau, absent, le chef du gouvernement a réuni
ses ministres, hier midi. Bien qu’il soit à la tête d’un gouvernement en
affaires courantes, le Premier ministre leur a demandé de “tenir [leurs]
administrations”, selon deux conseillers macronistes.
Entrée en
non-fonction. C’est donc parfois à des ministres fraîchement nommés et
démissionnés avant même une passation de pouvoirs qu’il reviendra de gérer les
affaires courantes. Un fonctionnement inédit qui engendre une avalanche de
questions. Auxquelles répond ici la rédaction de POLITICO (gratuit). Sachez
toutefois que Bruno Le Maire a rendu son tablier avant de l’avoir enfilé pour
“permettre la reprise des discussions”. L’intérim du ministère des Armées sera
donc assuré depuis Matignon, précise le Journal officiel ce matin.
Histoire
de couper court à la légère impression de flottement du moment, l’entourage de
Roland Lescure faisait savoir hier qu’il y avait bien “un pilote dans l’avion”
à Bercy après le départ d’Eric Lombard. “C’est le signal envoyé aux marchés et
aux entreprises”, ajoutait notre source.
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économique.**
GAUCHE
SANS EUX.
Une autre réunion importante doit avoir lieu à 9 heures, ce matin. Elle est
organisée à l’initiative de Marine Tondelier. La patronne des Verts a invité
l’ensemble des partis de gauche pour préparer la suite, espérant être un moteur
d’une union qu’elle porte en étendard envers et contre tout.
Mais si
Tondelier espérait réellement voir se reconstituer le Nouveau Front populaire
de juin 2024, elle a dû se rendre à l’évidence : les conditions ne sont plus
réunies. Et ce, malgré le lieu “neutre” choisi pour la réunion, a-t-elle
expliqué hier.
Ras le
Front. Les socialistes ont fait savoir qu’il était hors de question pour eux de
se retrouver à la même table que les responsables de La France insoumise avec
qui ils sont en guerre ouverte. Une décision immédiatement dénoncée par la
garde rapprochée de Jean-Luc Mélenchon.
C’est pas
le Bagneux. A en croire un proche d’Olivier Faure, contacté hier, le format de
la discussion proposée par Tondelier est caduc. Les socialistes ne veulent
discuter que dans le cadre du “périmètre de Bagneux (sic)”. Autrement dit :
avec la gauche non-mélenchoniste qui s’était réunie dans cette ville des
Hauts-de-Seine, en juillet dernier.
En
attendant, Olivier Faure a repris son tube de septembre sur TF1, hier soir. Il
a refait savoir que le PS répondra “positivement” si son parti était appelé à
Matignon.
RASSEMBLEMENT
NATIONAL
AU MOINS
C’EST CLAIR. Si vous en doutiez encore, le salut du prochain gouvernement ne
sera pas à chercher à l’extrême droite de l’hémicycle. Le Rassemblement
national et son allié, l’Union des droites pour la République (le parti d’Eric
Ciotti), ont décidé hier de censurer systématiquement chaque nouvelle équipe,
jusqu’à ce qu’Emmanuel Macron annonce une dissolution, irrémédiable, selon
l’allocution publiée en fin de journée par Marine Le Pen.
Ils s’y
voient. Le matin même, la présidente du groupe au Palais-Bourbon réunionnait
avec le président du parti, Jordan Bardella, et leurs plus proches conseillers
respectifs. A l’ordre du jour : les derniers arbitrages pour leur campagne en
cas d’élections législatives anticipées, nous ont glissé trois participants.
Notamment sur leur programme, que les lepénistes ripolinent depuis 2024 afin
d’intégrer les évolutions budgétaires récentes et le temps de plus en plus
court qu’ils auraient, en cas d’accession au pouvoir, jusqu’à la présidentielle
de 2027.
Harmoniser
les taux. L’état-major RN entendait notamment clarifier sa ligne en matière
fiscale, floutée ces derniers temps par les interventions médiatiques de
lieutenants. Ceux-ci ont été épinglés en interne pour, par exemple, n’avoir pas
assez révisé la proposition d’impôt sur la “fortune financière”, l’une des
mesures phares de “MLP”, racontait ce week-end La Tribune Dimanche. “Il faut
une vision très claire pour tous les candidats, parce qu’on va être scruté, y
compris par les marchés financiers”, plaidait ainsi hier soir dans notre
cellulaire Renaud Labaye, secrétaire général du groupe l’Assemblée.
Pas
vraiment un détail pour vous. Côté investitures, les cadres du parti répètent à
qui veut l’entendre qu’ils sont prêts à dégainer leurs noms dans toutes les
circonscriptions… ou presque. Celle de Marine Le Pen, qui a de très grandes
chances de se retrouver empêchée de candidater du fait de son inéligibilité (on
vous l’expliquait ici), n’a pas été réallouée. Son conseiller économique
officieux, François Durvye, qui entend se lancer, vous avait-on révélé, a en
revanche trouvé son point de chute : la sixième circonscription du Calvados,
celle d’Elisabeth Borne, ministre démissionnaire de l’Education nationale.

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