quarta-feira, 8 de outubro de 2025

Les promeneurs du champ de mines

 


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Playbook Paris

Les promeneurs du champ de mines

By Anthony Lattier

14 mins read

October 7, 2025 7:00 am CET

https://www.politico.eu/newsletter/playbook-paris/les-promeneurs-du-champ-de-mines/

 

Playbook Paris

Par ANTHONY LATTIER

 

Avec ELISA BERTHOLOMEY et SARAH PAILLOU

 

DANS L’OEIL DU CYCLONE. Il fallait le voir, “très souriant et professionnel”, ne faisant “absolument aucune référence à l’actualité”. Un participant à la petite sauterie élyséenne d’hier après-midi a été surpris par la placidité d’Emmanuel Macron et l’a rapporté à mon collègue Paul de Villepin. Le chef de l’Etat présidait alors une cérémonie de remise de Légion d’honneur à plusieurs personnalités, dont les économistes Philippe Aghion et Jean Tirole.

 

Rêverie d’un promeneur solitaire. “On n’aurait vraiment pas pu dire qu’il se passait tout ce qu’on lit par ailleurs”, observait notre interlocuteur. Un peu la même impression que beaucoup ont eue en découvrant, plus tôt dans la journée, les images de la déambulation solitaire d’Emmanuel Macron sur les quais de Seine, peu après la démission surprise de son Premier ministre quatorze heures après la nomination de son gouvernement.

 

Tour d’ivoire pour y croire. Il faut vous le dire : cela peut sembler difficilement concevable, mais le chef de l’Etat “croit” toujours qu’il est encore possible de retourner la situation et de sortir par le haut de la crise politique dans laquelle la France s’est enfoncée toujours un peu plus hier. C’est ce que nous rapportaient plusieurs proches du président au téléphone. “Il pense qu’il faut aller au bout du bout du bout du truc et qu’à un moment le PS et les LR diront : ‘on revient [à la table des discussions]’”, assurait l’un d’eux.

 

Bonjour à tous, nous sommes mardi 7 octobre 2025, sans doute pas encore au bout du bout du bout du truc, mais quand même pas très loin. Bon réveil.

 

ULTIMES NÉGOCIATIONS

ÇA VA MARCHER BEAUCOUP MOINS BIEN. Le chef de l’Etat a donné 48 heures pour trouver, à travers des discussions menées par le sortant Sébastien Lecornu, une hypothétique “plateforme d’action et de stabilité”. Et il a prévenu : il prendra “ses responsabilités” en cas d’échec. Une menace volontairement vague et néanmoins largement interprétée comme un coup de pression à l’endroit des députés pour leur faire comprendre qu’ils risquaient de voir leur mandat remis en jeu par une nouvelle dissolution. Ce que ne démentait pas franchement l’Elysée hier soir : “tout est ouvert”, nous pianotait l’un des conseillers du président.

 

P’tet bien que non. C’est avec cette épée de Damoclès que Sébastien Lecornu a donc entamé hier ses “ultimes négociations”. Avec quelles intentions ? Celles de se remettre en selle pour Matignon ? Ou celles de trouver un compromis pour son éventuel successeur ? Si l’idée qu’il ne “souhaitait” pas être à nouveau nommé était avancée par plusieurs confrères, Matignon ne la confirmait, ni ne la démentait, hier soir. En revanche, plusieurs proches de l’Eurois nuançaient et invitaient à peser chaque mot : le Premier ministre n’a pas dit qu’il ne voulait pas rempiler à coup sûr.

 

Décryptage fourni par un cadre macroniste : l’usage du verbe “souhaiter” serait une manière de bien faire comprendre que Lecornu ne considérait pas sa re-nomination comme acquise, en cas d’accord.

 

IMPLOSE TA CHANCE. Pas sûr, en tout cas, que la menace d’une dissolution suffise à faire rentrer tout le monde dans le rang. Alors que le chef du gouvernement démissionnaire comptait, pour relancer rapidement la machine, sur la réunion prévue ce matin à 9 heures à Matignon avec les présidents des deux Chambres, Gérard Larcher et Yaël Braun-Pivet, et les chefs des partis du socle commun, la liste des présents s’est réduite au fil de la soirée.

 

Soco et ses frères. La participation de Gabriel Attal pour Renaissance et de Marc Fesneau pour le MoDem nous a été confirmée hier, par le biais de leurs entourages. En revanche, Bruno Retailleau n’ira pas et a demandé d’être traité de manière “bilatérale” par le Premier ministre démissionnaire. “Le socle commun a explosé. Ça n’a pas de sens de faire comme s’il existait encore”, justifiait un conseiller LR, joint hier soir.

 

Dominos. Dans la foulée, plusieurs sources nous ont indiqué qu’Edouard Philippe jugeait qu’en l’absence de Retailleau, la réunion n’avait plus grand intérêt et qu’il envisageait de la sécher, lui aussi.

 

Il faut dire que, d’après un stratège du bloc central, le président d’Horizons est particulièrement sous pression : une partie de ses troupes réclame que Philippe profite du moment pour “se distinguer” franchement, ce que quelques-uns lui ont fait de nouveau comprendre lors d’une réunion interne hier. “De plus en plus de gens en ont marre et le poussent à se débarrasser de Macron”, nous racontait notre source.

 

Aoutch. Edouard Philippe le fera-t-il ce matin sur RTL où il est invité à 8h15 ? En tout cas, en la matière, Gabriel Attal a pris une longueur d’avance sur le plateau de TF1, hier : le patron de Renaissance, tout à sa volonté de “rupture”, a déclaré “ne plus comprendre les décisions” d’Emmanuel Macron, qui donne l’impression, à ses yeux, de “s’acharner à vouloir garder la main”.

 

La cerise sur le chaos. Pour couronner le tout, sachez qu’il n’est pas sûr non plus qu’Hervé Marseille, le patron de l’UDI — qui a “repris sa liberté” dimanche soir — se pointe à Matignon “si Retailleau et Philippe n’y vont pas”, nous écrivait notre source précitée.

 

À QUI LA FAUTE ? Vous l’imaginez : les relations se sont franchement rafraîchies entre Matignon et Beauvau depuis dimanche. Hier, des proches du Premier ministre faisaient savoir que sa démission était “exclusivement à cause” de Bruno Retailleau, nous disait notamment un soutien du Normand. Notre interlocuteur décrivait un chef de LR “cornérisé” en interne par Laurent Wauquiez (qui s’était opposé dès dimanche après-midi à une participation au gouvernement), lui-même qualifié d’“agent de déstabilisation”.

 

Contre-récit. A l’évidence sous pression de ses troupes et de sa base, Bruno Retailleau a lui aussi passé sa journée à justifier sa prise de position. Il y avait “un problème de confiance” avec Sébastien Lecornu, a-t-il fustigé sur le plateau du JT de 13 heures de TF1, en référence au fait que le Premier ministre démissionnaire ne l’a pas prévenu de la future nomination de Bruno Le Maire (honni par les LR pour avoir accru la dette) lorsqu’ils se sont vus dimanche en fin d’après-midi.

 

Justifications. A entendre le patron des Républicains, le gouvernement Lecornu était de toute façon presque déjà mort-né. “J’étais convaincu que ce gouvernement ne volerait pas bien”, insistait-il en privé dans l’après-midi, critiquant “le resserrement” de l’équipe, la “déconnexion” des macronistes et le “recyclage” de ceux “qui se sont autant trompés dans cette période”.

 

Ne pas insulter l’avenir. Si le coup de gueule est sonore, le ministre démissionnaire de l’Intérieur n’enterre pas pour autant totalement le socle commun. “Il est très fragile”, convenait-il, “mais je ne dis pas que je n’y crois plus”. Pourrait-il être dirigé par un LR, Gérard Larcher par exemple ou lui-même ? “C’est le président de la République qui a les clefs”, se bornait-il à répondre, excluant officiellement toute ambition personnelle par crainte “que l’on croit que j’ai fait tout ça pour moi”.

 

LES INTÉRIMAIRES. Sans Bruno Retailleau, absent, le chef du gouvernement a réuni ses ministres, hier midi. Bien qu’il soit à la tête d’un gouvernement en affaires courantes, le Premier ministre leur a demandé de “tenir [leurs] administrations”, selon deux conseillers macronistes.

 

Entrée en non-fonction. C’est donc parfois à des ministres fraîchement nommés et démissionnés avant même une passation de pouvoirs qu’il reviendra de gérer les affaires courantes. Un fonctionnement inédit qui engendre une avalanche de questions. Auxquelles répond ici la rédaction de POLITICO (gratuit). Sachez toutefois que Bruno Le Maire a rendu son tablier avant de l’avoir enfilé pour “permettre la reprise des discussions”. L’intérim du ministère des Armées sera donc assuré depuis Matignon, précise le Journal officiel ce matin.

 

Histoire de couper court à la légère impression de flottement du moment, l’entourage de Roland Lescure faisait savoir hier qu’il y avait bien “un pilote dans l’avion” à Bercy après le départ d’Eric Lombard. “C’est le signal envoyé aux marchés et aux entreprises”, ajoutait notre source.

 

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GAUCHE

SANS EUX. Une autre réunion importante doit avoir lieu à 9 heures, ce matin. Elle est organisée à l’initiative de Marine Tondelier. La patronne des Verts a invité l’ensemble des partis de gauche pour préparer la suite, espérant être un moteur d’une union qu’elle porte en étendard envers et contre tout.

 

Mais si Tondelier espérait réellement voir se reconstituer le Nouveau Front populaire de juin 2024, elle a dû se rendre à l’évidence : les conditions ne sont plus réunies. Et ce, malgré le lieu “neutre” choisi pour la réunion, a-t-elle expliqué hier.

 

Ras le Front. Les socialistes ont fait savoir qu’il était hors de question pour eux de se retrouver à la même table que les responsables de La France insoumise avec qui ils sont en guerre ouverte. Une décision immédiatement dénoncée par la garde rapprochée de Jean-Luc Mélenchon.

 

C’est pas le Bagneux. A en croire un proche d’Olivier Faure, contacté hier, le format de la discussion proposée par Tondelier est caduc. Les socialistes ne veulent discuter que dans le cadre du “périmètre de Bagneux (sic)”. Autrement dit : avec la gauche non-mélenchoniste qui s’était réunie dans cette ville des Hauts-de-Seine, en juillet dernier.

 

En attendant, Olivier Faure a repris son tube de septembre sur TF1, hier soir. Il a refait savoir que le PS répondra “positivement” si son parti était appelé à Matignon.

 

RASSEMBLEMENT NATIONAL

AU MOINS C’EST CLAIR. Si vous en doutiez encore, le salut du prochain gouvernement ne sera pas à chercher à l’extrême droite de l’hémicycle. Le Rassemblement national et son allié, l’Union des droites pour la République (le parti d’Eric Ciotti), ont décidé hier de censurer systématiquement chaque nouvelle équipe, jusqu’à ce qu’Emmanuel Macron annonce une dissolution, irrémédiable, selon l’allocution publiée en fin de journée par Marine Le Pen.

 

Ils s’y voient. Le matin même, la présidente du groupe au Palais-Bourbon réunionnait avec le président du parti, Jordan Bardella, et leurs plus proches conseillers respectifs. A l’ordre du jour : les derniers arbitrages pour leur campagne en cas d’élections législatives anticipées, nous ont glissé trois participants. Notamment sur leur programme, que les lepénistes ripolinent depuis 2024 afin d’intégrer les évolutions budgétaires récentes et le temps de plus en plus court qu’ils auraient, en cas d’accession au pouvoir, jusqu’à la présidentielle de 2027.

 

Harmoniser les taux. L’état-major RN entendait notamment clarifier sa ligne en matière fiscale, floutée ces derniers temps par les interventions médiatiques de lieutenants. Ceux-ci ont été épinglés en interne pour, par exemple, n’avoir pas assez révisé la proposition d’impôt sur la “fortune financière”, l’une des mesures phares de “MLP”, racontait ce week-end La Tribune Dimanche. “Il faut une vision très claire pour tous les candidats, parce qu’on va être scruté, y compris par les marchés financiers”, plaidait ainsi hier soir dans notre cellulaire Renaud Labaye, secrétaire général du groupe l’Assemblée.

 

Pas vraiment un détail pour vous. Côté investitures, les cadres du parti répètent à qui veut l’entendre qu’ils sont prêts à dégainer leurs noms dans toutes les circonscriptions… ou presque. Celle de Marine Le Pen, qui a de très grandes chances de se retrouver empêchée de candidater du fait de son inéligibilité (on vous l’expliquait ici), n’a pas été réallouée. Son conseiller économique officieux, François Durvye, qui entend se lancer, vous avait-on révélé, a en revanche trouvé son point de chute : la sixième circonscription du Calvados, celle d’Elisabeth Borne, ministre démissionnaire de l’Education nationale.

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