Législatives 2022 : pourquoi les projections de sièges à
l'Assemblée nationale sont à prendre avec prudence
A l'approche des élections législatives des 12 et 19
juin, les sondages se multiplient sur le nombre de sièges que pourraient
obtenir les différentes formations.
Article rédigé
par
Thibaud Le Meneec
France
Télévisions
Publié le
06/06/2022 07:09
Mis à jour le
08/06/2022 16:28
Emmanuel Macron
disposera-t-il d'une majorité parlementaire pour appliquer ses réformes ? Jean-Luc Mélenchon réalisera-t-il
son ambition d'imposer une cohabitation à l'actuel chef de l'Etat ? Le
Rassemblement national de Marine Le Pen aura-t-il un groupe parlementaire ?
Autant de questions centrales dont la réponse sera donnée par les urnes lors
des élections législatives des dimanches 12 et 19 juin. D'ici là, les instituts
de sondages tentent de mesurer les intentions de vote des électeurs et leurs
conséquences sur la future composition de l'Assemblée nationale.
Deux types
de sondages ont fleuri ces dernières semaines : ceux qui mesurent le rapport de
forces des différents partis ou coalitions au premier tour et les projections
de sièges au lendemain du second tour. Comme l'explique à franceinfo Mathieu
Gallard, directeur d'études à l'institut Ipsos, ces derniers doivent être
considérés avec prudence, car ils intègrent un grand nombre de variables.
Franceinfo
: les sondages en projections de sièges sont-ils fiables ?
Mathieu
Gallard : Le mode de scrutin des législatives fait qu'il n'y a pas du tout de
proportionnalité dans la répartition des sièges, qui ne se fait pas en fonction
du pourcentage de voix au premier tour, mais selon plusieurs aspects
importants. Le premier, c'est le nombre de circonscriptions dans lesquelles
vous pouvez vous maintenir au second tour. Soit vous arrivez dans les deux
premiers et vous êtes automatiquement qualifié, soit vous êtes troisième et
vous vous qualifiez si vous obtenez un score supérieur à 12,5% des inscrits.
A
l'incertitude du nombre de candidats qualifiés au second tour s'ajoute celle
des reports de voix. Il y a ainsi des configurations différentes d'une
circonscription à l'autre. Dans la plupart d'entre elles, il y aura des duels
entre la majorité présidentielle et la Nupes, mais on trouvera aussi des
seconds tours qui incluront le Rassemblement national, Les Républicains, voire
d'autres forces. Il faut prendre en compte les reports de voix des électeurs
des candidats éliminés, dans des configurations multiples, sur tout le
territoire. Le processus est assez complexe. Quand on fait des projections en
sièges, on donne des fourchettes, qui sont souvent assez larges.
Justement,
comment sont construites ces projections ?
Pour le
premier tour, on présente aux personnes interrogées la liste des candidats
présents dans leur circonscription et on leur demande pour qui elles vont
voter. Ensuite, à Ipsos, on a découpé le pays en différentes strates. On sait
qu'il y a des circonscriptions dans lesquelles le scénario Ensemble-Nupes est
le plus probable au second tour, mais d'autres penchent vers un duel
Ensemble-RN. Dans un second temps, on va demander aux électeurs pour qui
ils voteraient dans ces deux types de second tour.
"Un
autre paramètre entre en compte : on applique une sorte de coefficient avec les
résultats de 2017, dans chaque circonscription, pour chaque parti."
Mathieu Gallard,
directeur d'études à l'institut Ipsos à franceinfo
On regarde
notamment ce que donne ce coefficient dans les circonscriptions où il y a des
députés sortants d'un parti. Ainsi, même si un parti s'effondre par rapport à
2017, comme ce pourrait être le cas pour Les Républicains, il devrait nettement
moins s'effondrer dans les circonscriptions où il a des députés sortants, ce
qui a une incidence sur la répartition finale des sièges à l'Assemblée
nationale.
Ces
projections sont-elles beaucoup plus complexes à réaliser qu'un sondage
classique ?
Oui,
notamment par rapport à l'élection présidentielle, car il y a beaucoup plus
d'incertitudes que pour un rapport de forces "classique". Si on
regarde ce qui s'est passé en 2017, ce n'était pas parfait et il y a eu une
surévaluation du vote pour LREM, mais aucun institut de sondage ne s'est trompé
dans le classement des forces politiques. En termes de rapports de forces très
précis, les sondages donnent une indication relativement solide dans
l'ensemble.
Les reports
de voix sont-ils plus difficiles à mesurer, plus volatiles, que lors des
élections législatives précédentes ?
C'est plus
compliqué que d'habitude. Avant 2017, on avait traditionnellement des affrontements entre la
droite et la gauche, ce qui était beaucoup plus facile. Là, il y a beaucoup
plus d'incertitudes sur l'identité des finalistes dans chaque circonscription
car il y a trois blocs rapprochés en termes de voix. Les députés sortants de
droite occupent aussi une place importante, ce qui complexifie davantage les
projections.
Les
projections de l'Assemblée nationale seront-elles plus précises au lendemain du
premier tour ?
Après le
premier tour, on saura qui est qualifié dans chaque circonscription, ce qui
enlève une partie de l'incertitude. Après, il y a la question des reports de
voix et on n'a que très peu de temps pour bien les mesurer, d'autant plus que
les candidatures sont déposées le mardi, à trois jours de la fin de campagne.
En 2017, entre les deux tours, on n'avait pas totalement vu ce qui s'était
passé : dans bon nombre circonscriptions où les candidats macronistes étaient
bien placés, il y a eu un petit front contre la majorité pour Emmanuel Macron,
ce qui s'était soldé par quelques dizaines de circonscriptions perdues pour
LREM et le MoDem, à qui on prédisait une majorité plus importante.

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