Playbook Paris: La campagne commence — Macron
accélère (enfin) — Zemmour fait le plein
BY JULIETTE
DROZ AND PAULINE DE SAINT REMY
March 28,
2022 7:00 am
POLITICO
Playbook Paris
Par JULIETTE DROZ
et PAULINE DE SAINT REMY
Bonjour à toutes
et à tous, bon réveil, nous sommes lundi 28 mars. Si vous n’aviez, jusqu’ici,
pas vraiment l’impression que la campagne présidentielle était lancée, on vous
souhaite désormais bon courage pour y échapper. Comme le veut la tradition, le deuxième lundi
précédant le scrutin, nous entrons dans la campagne électorale “officielle”,
charriant son éventail de nouvelles dispositions (et de sueurs froides pour les
petites mains des chaînes d’info).
Tous égaux.
Dès aujourd’hui et jusqu’au 8 avril inclus, chacun des 12 candidats devra se
voir offrir le même temps de parole et d’antenne que son voisin, que l’on soit
président de la République ou candidat du NPA. Emmanuel Macron et ses soutiens devront ainsi
avoir la même visibilité que Philippe Poutou et les siens, que ce soit dans les
interviews télé ou dans les reportages radio. Le principe d’égalité remplace
celui de l’équité, qui prévalait jusqu’alors et prenait en compte le poids
politique des candidats.
C’est ce lundi
aussi qu’est donné le top départ de l’envoi et de la diffusion de la propagande
électorale. Les professions de foi peuvent être acheminées dès aujourd’hui dans
les boîtes aux lettres. Les panneaux électoraux vont être déployés devant les
mairies, l’ordre d’affichage ayant été défini par un tirage au sort du Conseil
constitutionnel. Impossible enfin d’allumer le poste sans être rappelé à votre
devoir citoyen : les clips de campagne vont venir bousculer votre routine radio
et télé et seront insérés “à des heures d’écoute significative”.
MACRON ACCÉLÈRE
(ENFIN)
CLASSE VERTE. Le
candidat Macron entre enfin dans l’arène. Aujourd’hui, le président-sortant
sera pour la première fois “au contact” de Français, non pas dans le cadre d’un
débat organisé, comme à Pau, il y a dix jours, mais bien dans la rue, une
“déambulation” étant au programme de son déplacement du jour à Dijon.
Manu Balboa.
Histoire d’en rajouter une couche, son équipe a également diffusé ce weekend
des images du président-candidat venant prendre ses marques dans l’enceinte
vide du Paris La Défense Arena (ici en photo, là en vidéo), où il doit tenir ce
qui sera peut-être le seul et unique meeting de sa campagne d’avant premier
tour, samedi. “Ce que je voudrais, c’est pas une écriture de meeting, je
voudrais plus un effet d’événement sportif, un truc plus charnel”,
l’entend-t-on glisser avec un pointe de gourmandise à ses équipes — scénographe
et autres plumes — dans un échange censément capté à la volée.
Jeu-concours.
Tout ce que la macronie compte d’élus a par ailleurs été encouragé à faire du
rabattage pour s’assurer que la salle, qui peut contenir jusqu’à 40 000
personnes, soit bien remplie. Les adhérents du parti, eux aussi, ont été
invités à faire venir du monde, promettant aux 400 plus performants des lots
allant d’un “moment privilégié et unique” à l’issue du meeting à une photo
dédicacée du candidat (c’est très sérieux, lisez plutôt).
Bluff
bourguignon. Sur le plan politique, le déplacement du jour en Côte d’Or doit,
selon les termes d’un macroniste historique, “consacrer le ralliement” du maire
de Dijon, François Rebsamen. L’ancien ministre de François Hollande, qui se dit
toujours socialiste et qui, d’après le Parisien ce matin, s’apprête à prendre
une “initiative” visant à consolider la “jambe gauche” de la Macronie — les
membres de Territoires de progrès, qui l’ont invité à s’exprimer à leur
congrès, au mois d’octobre, apprécieront — a en effet officialisé son soutien
au président sortant le 5 mars dernier, après des mois ou plutôt des années
passées à se faire attendre. “Ah ça, il a monnayé le fer”, grinçait le même
compagnon de route du chef de l’Etat cité plus haut, avant d’égrener les
différentes largesses dont aurait supposément bénéficié le “Duc de Bourgogne”,
comme certains le surnomment au QG : une commission sur la relance de la
construction de logements, une promotion au grade d’officier de la légion
d’honneur en janvier, le transfert de l’Organisation internationale de la vigne
à Dijon …
Sur le fond, le
président-sortant abordera plutôt des thématiques de gauche, jugées trop peu ou
mal traitées lors de sa conférence de presse programmatique, en particulier
celle de l’éducation : après la visite d’un lycée polyvalent, “Rebs” le “maire
bâtisseur” lui animera un débat avec des associations, dans le quartier de la
Fontaine d’Ouche. Formation, apprentissage, emplois non pourvus et politique de
la ville sont donc au programme des échanges, alors que c’est surtout la
proposition pour le moins clivante du président-candidat de mieux rémunérer les
profs qui travailleront plus qui a marqué les esprits jusqu’à présent.
Nota bene. C’est
officiellement à cause de son déplacement qu’Emmanuel Macron sèchera, tout à
l’heure, le “grand oral” des candidats organisé par Europe 1, le JDD et Paris
Match (voir notre agenda), entraînant d’ailleurs au passage la défection de
Jean-Luc Mélenchon. Mais la virée dijonnaise tombait bien, consigne ayant été
passée au QG de campagne d’économiser le temps de parole du candidat autant que
possible, cette semaine, pour maximiser les chances que son meeting de samedi
soit retransmis à la télévision. Un autre déplacement, consacré cette fois à
l’écologie, est prévu cette semaine. Une destination envisagée est la
Charente-Maritime, selon nos informations, bien que l’arbitrage définitif ne
soit pas encore rendu.
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ZEMMOUR FAIT LE
PLEIN
ADRÉNALINE. Sa
silhouette face à la Tour Eiffel, surplombant un essaim de drapeaux tricolores:
Eric Zemmour a obtenu hier les belles images qu’il était venu chercher sur la
place du Trocadéro, même si les 100 000 partisans brandis comme un étendard ont
été abondamment discutés par ses adversaires hier.
Soigne ta droite.
A la tribune, face aux spectateurs, parmi lesquels ma collègue Clea Caulcutt a
promené son calepin (ici, son article en anglais), le candidat de Reconquête a
coché tous les marqueurs de la droite. Quitte à faire s’étrangler plusieurs membres
éminents des Républicains, il a fait applaudir par la foule les LR Eric Ciotti,
Nadine Morano, François Xavier-Bellamy — tous trois soutiens très officiels de
Valérie Pécresse — ou encore le très mariniste Jordan Bardella.
Au chapitre
dérapage, alors que Zemmour énumérait des faits-divers, la foule a scandé
pendant de longues secondes “Macron assassin”, sans que le candidat ne
réagisse, ce qui a fait tressaillir, à droite et au centre. Peu après la fin du
meeting, la cellule presse de Reconquête s’est d’ailleurs livrée à une
opération déminage sur une boucle Whatsapp. Une conseillère assurant d’abord
que le candidat n’avait “pas entendu” ces propos et ne les “reprendrait pas à
son compte”, avant de préciser, un peu plus tard, les questions devenant plus
insistantes, qu’il “condamnait” les termes employés.
Saupoudrage. Eric
Zemmour semble par ailleurs avoir entendu la petite musique, en interne, lui
reprochant son relatif silence sur le pouvoir d’achat. Hier, faisant écho à une
formule employée par Nicolas Hulot pendant la crise des gilets jaunes,
l’ex-journaliste a clamé : “Dans cette élection, je suis le seul candidat qui a
à la fois le souci de la fin du mois et le souci de la fin de la France”. Une
phrase dont Playbook a ouï dire qu’elle a été soufflée par son ami Paul-Marie
Coûteaux, ex-soutien de Marine Le Pen et figure du barycentre des droites, avec
qui il s’est entretenu mercredi dernier.
Dernier espoir.
Il n’en reste pas moins que ce meeting, présenté en haut lieu comme le “point
d’orgue de la campagne” sonnait aussi (surtout) comme un appel à l’aide au vu
de l’état des sondages. “C’est à la fois l’acte de naissance et l’acte final de
sa campagne”, cinglait un ancien compagnon de route au téléphone avec Playbook,
pourtant “secoué aux tripes”, selon ses dires, par le discours, mais estimant
la qualification au second tour du domaine de l’impossible. En attendant,
plusieurs cadres du premier cercle zemmouriste, interrogés par Playbook,
semblent s’accrocher de plus en plus fort à la théorie d’un vote caché qui
apparaîtrait, comme un révélateur miraculeux, au soir du 10 avril.

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