Playbook Paris: Macron one more time — Discours
de la méthode — Le Pen par front renversée
BY JULIETTE
DROZ AND PAULINE DE SAINT REMY
April 25,
2022 7:15 am
POLITICO
Playbook Paris
Par JULIETTE DROZ
et PAULINE DE SAINT REMY
Bonjour à tous et
à toutes, bon réveil, nous sommes lundi 25 avril 2022. Grâce à une foule de
volontaires qu’il ne faut jamais oublier de remercier, le dépouillement s’est
achevé et le ministère de l’Intérieur a pu confirmer la nouvelle en plein cœur
de la nuit : Emmanuel Macron a été réélu, hier soir, avec 58,54% des suffrages
exprimés et 38,52% des inscrits, soit 18 779 641 voix, contre 41,46% pour
Marine Le Pen, l’équivalent de 13 297 760 voix. L’écart est, sans surprise,
plus serré qu’en 2017, où le trentenaire d’alors avait réuni plus de 20 700 000
électeurs, son adversaire n’en attirant “que” 10 600 000. Le taux d’abstention
s’élève cette fois-ci à 28%. Les résultats définitifs publiés par Beauvau sont
consultables par ici.
MACRON ONE
MORE TIME
UN SECOND
TOUR ET PUIS S’EN VA. “Un discours ? Quel discours ?” C’est en ces termes
grinçants qu’un conseiller de l’exécutif que nous interrogions nous faisait
part de sa perplexité, hier soir, via WhatsApp, après avoir suivi depuis le
Champ-de-Mars le discours de victoire d’Emmanuel Macron. “Il a dévitalisé
l’exercice”, s’étonnait encore un membre de la campagne un peu plus tôt, par
téléphone, ajoutant même avoir eu une pensée émue pour les militants ayant
poireauté des heures durant pour voir et entendre leur champion. Il faut dire
que l’allocution n’a pas emballé les foules autant que l’espéraient ses
premiers supporters — ministres, parlementaires et membres de cabinets. Pas de
quoi refroidir pour autant les petites mains de la campagne qui, tard hier soir,
festoyaient dans une ambiance très night-club au QG de la rue du Rocher,
entourant notamment un Joël Giraud en bonne forme, ainsi que Playbook a pu le
constater sur quelques images indiscrètes obtenues par notre collègue Elisa
Braun.
Du côté du
principal intéressé, on arguait que le reconduit du jour avait voulu jouer la
carte de la “sobriété”. Au risque assumé de ne pas dire grand-chose, donc ?
“Disons que c’était un discours qui ne l’engage à rien. Personne ne peut contester ce qu’il
a dit. On savoure la victoire et on laisse l’impulsion pour après…” tentait
d’analyser notre premier conseiller cité.
Résumé
express. Après 1 heure 40 d’un DJ set très “soirée Erasmus”, c’est logiquement
sur fond d’Hymne à la joie qu’Emmanuel Macron a lentement remonté l’allée qui
le séparait de la scène, main dans la main avec son épouse de bleu vêtue et
entouré d’une vingtaine d’enfants — ceux de membres de sa campagne. Le
président fraîchement réélu s’est exprimé à peine plus d’une dizaine de
minutes. “Je ne suis plus le candidat d’un camp, mais le président de toutes et
tous” a-t-il notamment déclaré. Il avait, auparavant, pris soin de remercier
ceux qui ont voté pour lui uniquement pour “faire barrage aux idées d’extrême
droite”, se disant “dépositaire de leur sens du devoir, de leur attachement à
la République et du respect des différences qui se sont exprimés ces dernières
semaines”. Les abstentionnistes et les électeurs de Marine Le Pen, eux aussi,
furent salués : “leur silence a signifié un refus de choisir auxquels nous nous
devons de répondre” a-t-il dit pour les premiers, enjoignant solennellement ses
soutiens à ne pas siffler les seconds, dont il a assuré comprendre la
“déception”.
**Un
message de FuelsEurope: Dans le cadre de la présidence française de l’UE, nous
appelons à un débat sur le rôle essentiel des carburants bas-carbone, ainsi que
sur l’abandon de toute forme d’exclusion technologique, plus particulièrement
pour le transport routier, afin d’établir un cadre politique et législatif
permettant de mobiliser les investissements nécessaires. Plus d’informations.**
Discours de
la méthode. Une prise de parole se voulant humble et rassembleuse, donc, mais
qui n’a pas vraiment éclairé sur ses intentions pour la suite. Tout juste
a-t-il évoqué sa nouvelle “méthode” : “Cette ère nouvelle ne sera pas la
continuité du quinquennat qui s’achève, mais l’invention collective d’une
méthode refondée pour cinq années de mieux au service de notre pays, de notre
jeunesse”, a-t-il promis, avant que la mezzo-soprano Farrah El-Dibany ne se
charge de conclure avec une Marseillaise.
Commentaire
acide d’un de ceux qui soufflent à l’oreille du président, pour Playbook : “Il
‘cochait’ toutes les cases des spins doctors mais l’ensemble n’avait aucun
sens. L’américanisation n’aide pas : la musique, la First Lady, l’acceptance
speech, on est à deux doigts de l’inauguration ball…”
AU PROGRAMME
des jours qui viennent : un Conseil des ministres aura bien lieu mercredi, avec
les participants habituels. Le même jour, Emmanuel Macron rendra hommage au
comédien Michel Bouquet, mort le 13 avril. Pour le reste, hormis un discours le
9 mai à Strasbourg pour clôturer la Conférence sur l’avenir de l’Europe, lancée
il y a un an, rien ne figure encore officiellement à l’agenda. A noter toutefois que le 10 mai auront
lieu les cérémonies de la journée des mémoires de l’esclavage, cinq ans après
que François Hollande a symboliquement passé le flambeau à son successeur à
l’occasion de celle-ci.
Mis à part, au
rayon international, la traditionnelle visite outre-Rhin pour y saluer son
homologue allemand, seuls deux déplacements symboliques censés marquer le coup
de sa réélection ont été évoqués par le président lui-même : l’un dans les
Hautes-Pyrénées, à Montgaillard, pour aller fleurir la tombe de sa grand-mère
“Manette” (le cimetière est d’ailleurs “sur son 31”, prêt à le recevoir,
d’après la Dépêche du Midi, qui note toutefois que l’enfant du pays a perdu du
terrain aussi dans les Hautes-Pyrénées) et l’autre dans un hôpital militaire,
auprès de soldats blessés.
Plan de table. En
attendant que le planning se précise, le chef de l’Etat s’est échappé hier soir
à la Lanterne, à Versailles, en famille, juste après les festivités du
Champ-de-Mars, où il en profitera vraisemblablement pour réfléchir à ses plans
de remaniement. Comme il l’a dit lui-même, Jean Castex présentera en principe
en fin de semaine la démission de son gouvernement, la proclamation des
résultats par le Conseil constitutionnel étant prévue mercredi. Voilà qui
laisse une fenêtre de tir de quinze jours tout au plus au président sortant
pour installer une nouvelle équipe gouvernementale s’il souhaite qu’elle soit
sur pied et à l’œuvre à la date de sa cérémonie d’investiture, qui doit avoir
lieu avant le 14 mai.
LA BATAILLE
D’APRÈS. Au rayon des dossiers sur lesquels le président aura à coup sûr à cœur
de jeter un œil, cette semaine, figure bien sûr aussi la question des
législatives. L’accord n’est “pas scellé”, mais les “discussions se passent
bien”, nous a-t-on confirmé hier, côté MoDem, alors qu’on se félicitait en fin
de semaine dernière dans le clan Macron de négociations qui seraient en passe
d’aboutir entre les deux principaux partis de la majorité, respectivement
représentées par le président de l’Assemblée Richard Ferrand et le ministre des
Relations avec le Parlement, Marc Fesneau.
Une chose est
sûre : l’objectif visé par les proches d’Emmanuel Macron est d’annoncer cette
semaine une “première vague” d’investitures. Celle-ci, “la plus facile”, selon
une petite main au fait des échanges, comprendrait une bonne partie des députés
sortants réinvestis (de LREM, du MoDem et de toutes les composantes de la
majorité). “On sera peut-être déjà pas loin de 250”, assurait la même source
hier à votre infolettre.
MoDem 57 cas. La
formation de François Bayrou n’a pour objectif que de conserver un groupe d’une
soixantaine de députés, un nombre jugé suffisamment important pour peser dans
l’hémicycle, et suffisamment raisonnable pour s’éviter quelques “emmerdes”, qui
impliquerait de présenter au moins 110 candidats. Edouard Philippe, lui,
ambitionnerait de constituer un groupe de 30 à 35 membres, en comptant les
quelques LREM sortants l’ayant rejoint. Et de présenter bien sûr un peu plus de
cinquante candidats, histoire de s’assurer la première tranche du financement
public. Un feuilleton que Playbook ne manquera pas de vous faire suivre dans
les jours à venir…
LE PEN PAR
FRONT RENVERSÉE
CINQ
MILLIONS CINQ. Hier soir, les urnes ont rendu leur verdict sans pitié à Marine
Le Pen qui a donc perdu, pour la deuxième fois en 5 ans, face à Emmanuel
Macron. Certes, la candidate du RN améliore son score de près de 8 points par
rapport à 2017, comme le serinait son entourage hier soir, arrondissant même
généreusement à la dizaine. Il n’empêche, alors qu’elle était annoncée à
touche-touche avec le président-sortant il y a un peu plus de deux semaines, Le
Pen termine plus de 17 points derrière son rival sur la ligne d’arrivée, ce qui
fait tout de même 5 481 881 voix.
Une autre
façon de voir les chiffres : entre le premier et le deuxième tour, Macron a
gagné 9 millions de voix de plus, Le Pen a reçu 5,2 millions de votes
supplémentaires.
Pas de démons de minuit. A l’image de cette campagne-miroir,
pensée comme l’antithèse des ratés de la précédente, Marine Le Pen ne s’est pas
lancée dans une danse nocturne cette fois-ci, dans la salle du très chic
Pavillon d’Armenonville, à l’orée du bois de Boulogne, où le RN avait installé
son QG éphémère hier soir. Pendant que vous regardiez Pirates des Caraïbes,
Playbook s’était glissé incognito à la soirée mariniste pour vous glaner les
meilleurs morceaux.
Marine cuve la présidence. Quelques minutes avant le compte
à rebours, au rez-de-chaussée du pavillon, un maître d’hôtel rangeait
discrètement, à la hâte, une poignée de bouteilles de champagne étiquetées
“Marine présidente”. Avait-il eu des
échos des estimations encore sous embargo, ou souhaitait-il éloigner les
pique-assiette prêts à revendre ces bouteilles collector sur eBay ? En tout cas, les quelque 700
militants annoncés délaissèrent aussitôt flûtes et petits-fours pour
s’agglutiner devant les écrans géants. Tandis qu’à l’étage, les ouailles du RN
faisaient les cent pas entre la loge VIP et la balustrade. Dans la journée, les
très bons scores dans les outre-mer avaient soufflé une brise d’optimisme dans
les travées lepénistes, la candidate engrangeant la bagatelle de 60% des voix à
la Réunion, la Martinique et en Guyane, frisant même les 70% en Guadeloupe.
Au moment
où 20 heures a sonné, un témoin nous a décrit la scène : Marine Le Pen, assise
sur un canapé bleu, entourée de ses proches, “stoïque” lorsque le visage de son
rival s’est affiché sur les postes de télé. “Comme tous les animaux politiques,
elle est restée imperturbable”, abondait un autre participant. La candidate
aurait eu un mot de remerciement pour ses troupes, leur assurant en substance
qu’elles n’avaient rien à se reprocher et qu’aucune faute n’avait été commise.
Ensuite, tout est allé très vite : un coup de fil à Emmanuel Macron, “comme le
veut la tradition”, dont on ne saura pas plus. Tandis qu’au rez-de-chaussée,
une petite main distribuait des drapeaux miniatures. Il était 20 heures passées
de treize minutes lorsque la candidate a pris la parole. Un discours à la
mitraillette de six minutes chrono, regard dur et visage fermé.
La décla.
“Un grand vent de liberté aurait pu se lever”, a regretté Marine Le Pen,
préférant voir dans son score une “éclatante victoire”. “Je n’ai aucun
ressentiment ni rancœur”, a-t-elle ensuite balayé, “enterrés, nous l’avons été
1 000 fois et l’histoire a toujours donné tort à ceux qui voulaient nous
atteindre.”
Le combat.
Sans attendre, la candidate déçue a annoncé vouloir croiser le fer avec
Emmanuel Macron pour les législatives. “Les Français manifestent (…) le souhait
d’un contre-pouvoir fort” a-t-elle lancé devant des grappes de militants perdus
entre abattement et déni, certains continuant de lui jeter des “Marine
Présidente”. “Je mènerai cette bataille aux côtés de Jordan Bardella”
a-t-elle poursuivi. Des paroles qui n’ont pas manqué d’alimenter les
conversations avec les journalistes, les lieutenants marinistes faisant leur
apparition quelques minutes plus tard, pour distribuer la bonne parole.
T’y vas ou t’y
vas Pas-de-Calais. Si la candidature de Marine Le Pen à sa réélection dans la
11e circonscription du Pas-de-Calais ne semblait souffrir d’aucun doute, hier
soir, la suite restait en revanche plus mystérieuse. Reprendra-t-elle la
présidence du parti ? Les statuts du RN l’y obligent, rapporte ce matin
L’Opinion, mais son entourage éludait, hier soir, entre les “je ne suis pas
sûr…” et autres “je pense qu’elle veut être dans une vision plus haute que la
gestion d’une boutique”.
Double jeu.
L’actuel président par intérim du RN, le vingtenaire Jordan Bardella, était
dans le même temps auréolé de moult compliments. Les mots de “révélation”,
“parfaite doublure de Marine” et même “il me rappelle Nicolas Sarkozy quand il
avait 25 ans” — peuchère ! — ont ainsi été prononcés à l’oreille de votre
infolettre. Un lieutenant prometteur pas trop jeune pour être président du
parti donc, mais trop vert pour être présidentiable ? La question se pose,
alors que Marine Le Pen a, de son côté, semblé semer des petits cailloux comme
autant d’indices, assurant à deux reprises que cette tentative devait être sa
dernière. Hier soir, le petit Poucet semblait avoir fait long feu : “Marine Le
Pen a 53 ans, nous ne sommes pas pour la retraite à 53 ans, surtout quand il
s’agit de la France”, glissait ainsi son beau-frère et principal conseiller
Philippe Olivier au Parisien et à L’Express.
GROSSE SEMAINE.
Autant de questions qui ne manqueront pas d’être abordées cet après-midi, au QG
du RN, où doit se tenir un bureau national dans la foulée d’un bureau exécutif.
Demain, ce sera au tour de la commission nationale d’investiture de boucler les
dernières circonscriptions pour les législatives. Une quarantaine resteraient à
attribuer sur les 577 du territoire. Hier soir, avant même qu’ils n’entendent
les propos au vitriol d’Eric Zemmour à l’endroit de leur candidate, les
lieutenants marinistes évacuaient toute possibilité d’alliance avec Reconquête.
Un stratège arguant à notre oreille de “désaccords de fond assez profonds,
notamment sur l’islam” et refusant toute “combine d’appareil”.
Et qu’importe si
le “Z” a malgré tout appelé au “rassemblement” du “camp national” : un autre
semblait laisser un soupirail tout juste entrouvert, évoquant des “ajustements”
possibles “au cas par cas”. Alors que vous étiez probablement déjà sous la
couette, le conseiller spécial Philippe Olivier, une fois mis au parfum,
tweetait quant à lui ce qui ressemblait à une fin de non-recevoir.

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